Nouvelle policière, Un vieux ruby de la guerre de 14, une enquête de Cédric Boukerma







HISTOIRE POLICIÈRE COURTE

Un vieux ruby de la guerre de 14, une enquête de Cédric Boukerma

Par Jocelyne Duparc

Malgré ses mains pressées sur ses oreilles, elle avait tout entendu. La cavalcade sous le porche, les insultes, les coups, les sanglots et les cris étouffés. Risquant un regard à travers l’oeilleton, elle les avait vus s’enfuir, silhouettes sombres, vaguement familières.
Les bruits s’étaient tus, pourtant Henriette Dorset demeurait immobile, le front appuyé au métal froid de sa porte blindée. Qu’aurait-elle pu faire ? Seule, à son âge ? Les fêtes du quinze août et une canicule imprévue avaient vidé l’immeuble de ses occupants. Il ne restait plus qu’elle, au rez-de-chaussée et sa vieille amie Jeanne, au cinquième étage. En dépit des conseils de son fils, elle n’avait jamais voulu se faire installer le téléphone. Parler dans cet appareil l’avait toujours intimidée. Trop tard pour les regrets...
Des pas lourds martelèrent l’escalier. Henriette reconnut la démarche poussive de son amie. Elle n’osait pas bouger et trouvait Jeanne bien imprudente de s’aventurer sur les lieux à présent désertés.
Les pas résonnèrent sur le dallage du hall d’entrée. Le cri qui déchira le silence la fit sortir de sa torpeur. La voix de Jeanne...
- Virginie... Oh ! Mon Dieu ! Ma petite Virginie... A l’aide !
Henriette Dorset écarta prudemment le battant de la porte.

Roger sortit les photos de son portefeuille et les étala sur la table. Cédric prit les clichés. Trois photos, trois cadavres.
- Comme souvenir de vacances, j’ai déjà vu plus réjouissant !
- Tu m’as bien demandé du matériel pour étoffer ton article sur les armes utilisées par la police depuis le début du siècle ? Alors attends, j’ai conservé le plus intéressant pour la fin !
Royalement, il présenta une dernière photo, l’agrandissement d’une des précédentes, le gros plan d’une main crispée sur une arme.
Cédric la contempla attentivement.
- Pistolet automatique Ruby, calibre 7.65 ! Elle date de quand cette photo ?
- Même pas un mois. Étonni no ?
- Oui, tu m’intrigues ! C’était une fabrication espagnole, pour l’armée française pendant la guerre de 14-18. C’est zarbi de voir ce vieux rossignol ressortir dans une affaire criminelle. Remarque, ça tombe bien, j’avais pas la moindre anecdote à raconter à son sujet ! Après la guerre, c’est la police parisienne qui en a hérité, non ?
- Oui, mais il y a un bail qu’on les a relégués !
- Allez, me fais pas languir plus longtemps ! C’est qui ces cadavres ?
- Trois quidams ! Un employé des Postes, un plombier, un chauffeur-livreur. Tous victimes de cette arme, à quelques jours d’intervalle. Les deux premiers, plusieurs balles en pleine tête. Pour le troisième, l’assassin a été moins précis, le type est parvenu à s’emparer du pistolet mais il est mort des suites de ses blessures. Sans avoir pu parler, bien sûr.
- Et le Ruby, il a parlé lui ?
Roger prit un air énigmatique.
- Pas d’empreintes, mais une inscription gravée sur le canon : « Adj. C. W. A. »
- « Adj. C. », Adjudant Chef ?
- C’est aussi ce que je pense, mais c’est maigre !
- La gravure sur le canon fait très poilu de la guerre de 14 !
- Oui mais les rares survivants sont au moins centenaires ! Remarque... Papy serial killer, pourquoi pas ?
- Et ça c’est passé où ?
- En banlieue, à Villejuif. Le premier crime a eu lieu début septembre. Les victimes étaient des types sans histoires. La quarantaine, deux hommes mariés, un divorcé. Ils se connaissaient, mais n’étaient pas vraiment amis, de vagues relations plutôt. Ils fréquentaient le même bar de quartier. Tous les trois ont été tués en bas de chez eux !
- Ça fait déjà pas mal de points communs !
- Je t’ai noté tout ce que je sais, ça tient en une demie page ! Si tu peux en tirer quelque chose pour ton article, tant mieux !
- Une arme ancienne qui refait surface aujourd’hui. J’arriverai à caser ça !
Roger jeta un coup d’oeil à sa montre.
- Dis-moi, à quelle heure t’as donné rendez-vous à Fred ?
- Je lui ai dit vingt heures au restaurant. Il faut qu’on se dépêche !

Le café, baptisé « Bar des Potes » était situé dans un quartier pavillonnaire. Le soleil d’octobre parvenait encore à chauffer la terrasse, Cédric s’y installa. Les lieux étaient déserts et la rue tranquille. A deux pas de la nationale, on se serait cru à la campagne. Pourtant, tout près de là, il y avait eu trois meurtres en moins d’un mois. A vrai dire, n’eût été l’arme peu commune, cette affaire n’aurait pas retenu l’attention de Cédric. Mais ce pistolet, qui avait accompagné les valeureux soldats de la grande guerre et ressurgissait du passé, fleurait bon le mystère !
La jeune serveuse lui apporta son verre. Elle n’était pas débordée et semblait désireuse d’entamer la conversation.
- C’est calme, aujourd’hui, dit-elle. D’habitude, il y a plus d’animation. Surtout depuis les crimes, ça nous a amené du monde ! Vous êtes au courant, pour les crimes ?
- J’en ai entendu parler. Vous deviez être aux premières loges !
- Oh ! Oui, quelle agitation ! Forcément, les victimes étaient des clients. Début août surtout, on les voyait tous les soirs. Quand les femmes sont en vacances avec les enfants, les maris dansent ! Enfin, danser, c’est beaucoup dire. Ils buvaient surtout, ces trois-là ! Le Jacques Echard, quand il avait un coup dans le nez, il était plutôt du genre envahissant... Mais, il ne faut pas dire de mal des morts, n’est-ce pas ?
La jeune fille se montra intarissable. Quand Cédric prit congé, il ne restait pas un détail qu’il ignorât. Malheureusement, tout cela figurait déjà sur les notes de Roger.
- Ça n’a pas grande importance, pensa-t-il. C’est l’affaire de la police. Pour mon article, non élucidé, le mystère n’en aura que plus d’attrait !
Il allait regagner sa voiture quand un concert de klaxons attira son attention. Un embouteillage sur la Nationale 7. Autant laisser les choses se calmer, se dit-il. Il marcha en direction de l’immeuble, théâtre du premier meurtre.
L’employé des postes avait habité une jolie résidence entourée d’un jardin fleuri. Un homme s’affairait autour des plates-bandes. Cédric se présenta.
- Bonjour. Je me permets de vous déranger, je suis journaliste...
L’homme posa son râteau.
- Ah ! Vous venez pour le crime ! C’est qu’on en a déjà vu du monde ! Vous tombez bien, je suis le gardien. C’est moi qui ai trouvé le corps. Quel choc !
- Pouvez-vous m’en parler ? Si ça ne vous ennuie pas...
- Moi, vous savez, j’y pense sans arrêt. Je n’arrive pas à oublier. Ce pauvre Gérard, tellement gentil... On ne comprend pas ce qui a pu se passer.
Le gardien s’arrêta un instant pour saluer une vieille dame qui traînait péniblement un caddie à provisions. Il reprit, un ton plus bas.
- Cette pauvre Madame Guilbot, elle habite la rue d’après. Encore une qui a eu des malheurs. Et dire que le coin était si calme autrefois. Aujourd’hui, avec toute cette délinquance, on n’est jamais tranquille ! Mais ce n’est pas tout, il faut que je me remette à l’ouvrage ! Si ça vous chante, passez donc au Bar des Potes, un de ces soirs, on reparlera de l’affaire...
Laissant l’homme à son travail, Cédric hésita un instant. Visiter les lieux des deux autres crimes ou simplement regagner Paris ? Il était tenté par cette dernière alternative. Pourtant, par acquit de conscience, il se dirigea vers l’impasse de Brives. Un immeuble en mauvais état, des gamins jouaient dans la cour. C’est là qu’on avait retrouvé le corps sans vie du plombier Paul Level. Les enfants lui parlèrent de Paulo, un gars sympa, fort en mécanique et toujours prêt à rendre service !
Décidément, se dit Cédric, tout le monde les aimait ces cadavres ! L’assassin doit avoir l’esprit de contradiction !
Il consulta les notes de Roger à la recherche de la dernière adresse. Jacques Echard, rue Henri Barbusse, de l’autre côté de la nationale.
- Autant y aller. Comme ça, je n’aurai pas de regrets !
Le petit immeuble avait dû être joli, par le passé. Il était à présent enclavé et défiguré par un énorme bâtiment en construction, hérissé d’échafaudages. Poussant la porte d’entrée Cédric traversa un couloir sombre et, après avoir descendu quatre marches, se retrouva dans une petite cour envahie par les mauvaises herbes. Tous les volets étaient clos. A cette heure, les gens étaient sûrement à leur travail. Cédric s’apprêtait à lever l’ancre quand un petit chien noir, surgi d’on ne sait où, se jeta dans ses jambes en aboyant.
Une femme blonde et rougeaude, sortit d’un cabanon en criant :
- Princesse... Reviens, Princesse !
Le chien, ou plutôt la chienne, aboyait de plus belle. Cédric se dirigea vers la maîtresse. Apparemment, celle-ci cherchait de la compagnie car elle ne lui laissa même pas le temps de se présenter.
- Vous, vous n’êtes pas de la police. Je les connais tous. Ici, c’est le défilé, depuis qu’on a zigouillé Jacques ! Si vous n’êtes pas flic, vous êtes journaliste. Je vous aurais bien offert un verre, mais je n’ai plus rien. Où elle est, votre caméra ?
Rien d’étonnant à ce que la femme n’ait plus un verre à offrir. Elle avait dû tout boire, et ça se voyait ! Cédric faillit battre en retraite. Pourtant, quelque chose le retint. Parfois, l’alcool délie les langues, peut-être allait-il enfin récolter un élément nouveau.
Toutefois, il éprouva quelques difficultés à démêler le verbiage désorganisé de la commère.
- Ce brave Jacques, un homme charmant et galant comme pas deux ! Quand je suis arrivée, il était déjà dans les pommes, inconscient. Mais la grosse mère Guilbot, je l’ai bien vue qui se sauvait. Les vieux, il faut toujours les aider ! Mais eux, quand il s’agit de donner un coup de main, faut pas compter dessus ! Moi j’ai tout de suite appelé les pompiers. Ils sont arrivés rapidement. Des beaux gars et courageux, avec ça...
- Madame Guilbot ?
- Oui, une vieille qui habite de l’autre côté de la nationale. Elle fait ses courses par ici. Elle ne peut plus aller au supermarché, elle n’a plus de voiture depuis ce qui est arrivé à sa gamine... Les pompiers... Surtout le capitaine, quel bel homme ! Et aimable en plus, nous les femmes, on sait apprécier...
Le reste de la conversation n’avait pas d’importance. La bavarde communiqua l’adresse de Madame Guilbot, sans même s’en rendre compte et poursuivit son babillage. Cédric eut bien du mal à lui fausser compagnie !
Il était perplexe. Cette dame Guilbot jouait-elle un rôle dans l’histoire ? En l’espace de quelques heures, par deux fois, son nom revenait.
Cédric rejoignit sa voiture. A présent, la circulation était fluide. Dédaignant la montre quartz qui ornait son tableau de bord, il consulta sa vieille montre de gousset : il était à peine seize heures. Il décida de faire un saut au siège du quotidien qui avait vu ses débuts de journaliste. Il y avait conservé de bons amis et les archives seraient à même de lui fournir des précisions sur les faits-divers survenus récemment à Villejuif.

C’était en page trois de l’édition du dix-sept août. Elle s’appelait Virginie Guilbot, elle avait vingt-deux ans. Elle était allée danser avec des amis, à Paris. Pour rentrer, elle avait pris le dernier métro. Sa grand-mère et une voisine l’avaient retrouvée, inanimée, dans le hall de leur immeuble. Elle avait été violée et rouée de coups. Décédée des suites de ses blessures, sans avoir repris connaissance... Il n’y avait pas grand-chose d’autre à dire. Cédric feuilleta les éditions suivantes. On retrouvait un entrefilet quelques jours plus tard. Le ou les assassins couraient toujours. Ensuite, plus rien, on ne parlait plus de Virginie Guilbot. Cédric revit en pensée la vieille dame un peu boulotte qui traînait son caddie à provisions. Quelle tristesse !
De retour chez lui, Cédric apprécia l’accueil enthousiaste de Bowie. Toutefois, le brave boxer ne lui laissa pas un instant de répit, apportant spontanément sa laisse pour une promenade bien méritée.
Trois quarts d’heure plus tard, le maître et le chien, affalés sur le canapé s’apprêtaient à visionner un DVD. Fervent admirateur de Dustin Hoffman, Cédric hésitait entre « Les chiens de paille » en français ou « Midnight Cow-boy » en version originale. Bien sûr, Bowie penchait pour «Les chiens de paille» mais c’est « Midnight Cow-boy » qui eut la préférence du maître toujours désireux de parfaire son anglais. Les premières notes du générique s’égrenaient à peine quand la sonnerie du téléphone retentit. Cédric mit sur pause.
- Oui... Boukerma...
- Cher ami, Georges Valence, en ligne...
Cédric gérait depuis deux ans l’énorme portefeuille d’actions de Georges Valence. Un chiffre assez conséquent pour qu’il eût communiqué à l’homme d’affaires son numéro de téléphone privé. Ce client avait besoin d’un conseil et lui demandait de passer à son bureau de Rungis dès le lendemain. Le genre de rendez-vous qui ne se refuse pas ! En reposant le combiné, Cédric pensa que tout se conjuguait pour l’attirer inexorablement vers la Nationale 7 où les communes de Rungis et Villejuif sont presque limitrophes !
C’est ainsi que le lendemain, après son rendez-vous d’affaires, il se retrouva rue des Guipons, à deux pas de chez Madame Guilbot. Il n’avait pas l’intention de persécuter la vieille dame. Pourtant, quand il la vit sortir de chez elle, un petit bouquet de fleurs à la main, il ne put s’empêcher de la suivre. Elle prit le bus, il fit de même, priant pour qu’il n’y eût pas de contrôleur car il n’avait pas de ticket !
Elle descendit en centre ville et continua sa route à pieds. Il la suivit à distance. Aux panneaux indicateurs, comme aux fleurs qu’elle portait, il comprit qu’elle se dirigeait vers le cimetière. Il était mal à l’aise et n’aimait pas le rôle qu’il s’était assigné. De loin, il la vit disposer ses fleurs dans un vase en marbre posé sur une pierre tombale. Ensuite, elle s’agenouilla et demeura longtemps immobile. Elle se releva enfin et prit le chemin du retour. Elle passa tout près de Cédric, sans le voir. Malgré les larmes qui brillaient dans ses yeux, son visage reflétait une certaine sérénité. Cédric la laissa s’éloigner puis se dirigea vers la tombe où elle s’était recueillie.
C’était une grande pierre ancienne, un peu moussue. L’inscription la plus récente disait en lettres dorées « Virginie Guilbot 1979 - 2002 ».
Juste au-dessus, on trouvait un « Pierre Guilbot 1920-1996 », certainement le mari de la vieille dame.
Plus haut, deux inscriptions un peu plus anciennes, «France Guilbot, née Artois 1948-1983» et « Marc Guilbot 1945-1983 ». Aux dates de naissance on pouvait déduire qu’il s’agissait du fils de Madame Guilbot et de sa femme. Certainement les parents de Virginie.
Les deux dernières inscriptions étaient presque illisibles, l’or de la gravure avait depuis longtemps disparu. Mais Cédric ne fut pas étonné de découvrir « Albert Watrin 1892-1967 ». Sa femme ne lui avait pas survécu bien longtemps « Léonie Watrin, née Dufort 1895-1968 ». Les parents de Madame Guilbot reposaient sous cette pierre.
« Adj. C. W. A. »... Adjudant Chef Watrin Albert... Les initiales gravées sur le canon du vieil automatique racontaient leur histoire.
Cédric reprit un autobus qui le conduisit tout près du Bar des Potes. Le reconnaissant, la serveuse l’accueillit en ami. Sans difficulté, il orienta la conversation dans le sens qui l’intéressait.
- C’est étrange, quand j’y pense. Ces trois-là, ils n’étaient pour ainsi dire jamais ensemble. Sauf le soir du 15 août. On a fermé plus tard que d’habitude. Comme c’était férié, le patron avait obtenu les autorisations. Pour une fois, c’était une occasion de faire un peu plus d’argent. Il y avait Echard et Level. L’autre je ne connais pas son nom. On l’appelait le postier. Qu’est-ce qu’ils ont pu boire, ce soir-là ! Rien que du Pastis ! Echard en devenait désagréable. Je me souviens, j’ai faillit me fâcher tant il se montrait entreprenant. Il se croyait tout permis ! Enfin... Paix à son âme !
- Et les autres jours, ont-ils continué à faire la fête ?
- Non, après ce n’était plus pareil. D’ailleurs, le postier n’est jamais revenu. On a dû voir Paulo une ou deux fois... Il n’y avait qu’Echard qui passait tous les soirs. Lui, il ne dessaoulait pour ainsi dire pas ! C’est tout de même bizarre... Je me demande ce qui a bien pu leur arriver à ces pauvres gars !
Cédric ne se le demandait plus ! A travers les différents témoignages, il reconstituait parfaitement le drame. Trois hommes désoeuvrés avaient bu plus que de raison. Ils avaient agressé et violé une jeune fille du quartier. Comment la grand-mère avait-elle retrouvé la piste des trois monstres ? Des hommes tranquilles, appréciés de leurs voisins ! Peut-être la jeune fille avait-elle pu parler avant de perdre connaissance... Qui le saura jamais ? Madame Guilbot avait entrepris de venger sa petite fille, utilisant pour cela l’arme de son défunt père.

Cédric appréciait le temps passé devant son ordinateur. Les articles qu’il rédigeait pour un nouvel hebdomadaire lui permettaient d’aborder des sujets bien différents de la finance ! Il n’avait pas tout à fait terminé son récit sur les armes utilisées par la police nationale. Il lui fallait l’étoffer d’anecdotes pour le rendre plus attractif. Il parla de la bande à Bonnot dont les attaques à main armée avaient, au début du siècle, poussé la police parisienne à s’armer convenablement. Il parla des fameux revolvers Smith & Wesson et du légendaire Lüger allemand, vestige de la seconde guerre mondiale. Il ne parla pas du pistolet automatique Ruby de Villejuif.
Un coup d’oeil à sa montre, il éteignit son ordinateur... Il avait rendez-vous avec Fred et Roger.
Il eut la chance de trouver une place de stationnement juste devant la Guiness Tavern. Dans ce quartier des Halles, fort encombré, cela tenait du miracle ! Roger et Fred étaient déjà attablés devant d’énormes chopes de bière. Dans un coin de la salle, des musiciens installaient leurs instruments.
Cédric s’assit à côté de ses amis. Dès le premier regard, il pensa que Roger n’avait pas l’air en grande forme.
- Ça n’a pas l’air d’aller très fort, Roger ?
- C’est rien... Un coup de cafard... Le boulot...
- Après deux bières et trois morceaux de rock bien musclé, ça ira mieux ! Tu vas voir, les musicos de ce soir sont vraiment super ! rétorqua Fred.
Des accords de guitare électrique retentirent, confirmant ses dires. Après un temps d’arrêt, Roger reprit :
- Au fait, Cédric... Pour ton papier sur les armes de la police... Ça t’ennuierait de ne pas utiliser l’affaire de Villejuif ?
- C’est ça ton coup de cafard ? Lui demanda Cédric. Rassure-toi. J’ai presque terminé mon article et je ne parle pas de l’Adjudant Chef Albert Watrin...
- Ah ! J’aurais dû me douter que tu percerais le mystère ! Il faudra que tu me dises comment tu y es parvenu. Moi, j’y ai mis le temps ! J’ai recherché, dans les récents événements locaux, ce qui aurait pu motiver une vengeance ou un règlement de compte. Hier j’ai pu faire parler la vieille voisine de Jeanne Guilbot. C’est elle qui avait reconnu les trois types.
- Et qu’est-ce que tu comptes faire ?
- J’ai eu du mal à prendre ma décision. Franchement, tu m’imagines en train d’embastiller cette pauvre vieille ? De toute ma carrière, c’est la première fois que ça m’arrive... Mais... Moi non plus, je ne parlerai pas de l’Adjudant Chef Albert Watrin.

Fin