Bowie chien de combat, une nouvelle enquête de Cédric Boukerma







NOUVELLE POLICIÈRE COURTE

BOWIE CHIEN DE COMBAT, une enquête de Cédric Boukerma

Par Jocelyne Duparc

En grommelant, Yann tendit la main à la recherche de la lampe de chevet. A peine avait-il amorcé son geste qu’une douleur aiguë lui vrilla la poitrine. Sortant vaguement de sa torpeur, il réalisa soudain qu’il n’était pas dans son lit.
La mémoire lui revint petit à petit. Les deux voyous... Il leur avait rendu coup pour coup. Habitué qu’il était à maîtriser les chevaux ou les bœufs, deux loubards de banlieue n’étaient pas de taille à l’impressionner. Mais un troisième homme était arrivé, brandissant une arme. Il y avait eu une détonation... Ou deux, peut-être ? Yann avait perdu connaissance.
Où était-il à présent ? Ses agresseurs avaient dû le transporter dans cet endroit sombre et sale où régnait une odeur pestilentielle.
Il tenta de se redresser mais la douleur se fit plus forte, le clouant sur place. Il avait très froid, pourtant, sa chemise lui collait au corps. Précautionneusement, il se palpa le thorax. Au contact poisseux, il comprit que ce n’était pas de la transpiration, mais du sang. Il pensa qu’il fallait enrayer l’hémorragie et, malgré la souffrance qui le taraudait, il essaya encore de se lever.
Peine perdue, il retomba lourdement, se blessant aux gravas qui jonchaient la terre battue. Il jura entre ses dents et fit un effort sur lui-même pour ne pas s’évanouir de nouveau.
C’est alors que quelque chose remua au fond de la pièce. Un espoir l’effleura. Il n’était pas seul, sa chute avait réveillé son compagnon d’infortune. Il appela faiblement :
- Il y a quelqu’un ? Vous m’entendez ?
Nul ne lui répondit. Pourtant, une sorte de bourdonnement s’éleva et Yann qui avait très mal à la tête pensa que ses oreilles lui jouaient un tour. Le bruit se fit plus distinct, c’était un grondement sourd. Rivé au sol comme il l’était, Yann se sentait vulnérable et la peur l’envahit. Une bête avançait vers lui en grognant. Quelque chose brilla dans la lueur glauque qui s’échappait du soupirail... L’éclat d’un œil luisant...
Soudain, une gueule béante aux canines acérées lui fit face. Yann réalisa brusquement : un pitbull ! Dans l’obscurité, il le distinguait à peine. L’animal au corps émacié approcha le museau en reniflant bruyamment. Yann sentit une haleine chaude lui balayer le visage. La bête était effrayante. Un amalgame de sang séché et de pus lui tenait lieu d’œil droit.
Tout doucement, en s’efforçant à garder son calme, Yann articula d’une voix caressante.
- Gentil chien... Tout doux mon joli...
Immobile, les babines retroussées, le chien borgne le fixait en silence.



Dès que Cédric ouvrit la porte du bureau, Carolina se précipita à sa rencontre.
- Alors ? Comment ça a marché ? demanda-t-elle.
- C’est dans la poche ! Si tu as le courage de faire une heure supplémentaire, je te dicte tout de suite le contrat.
- Je cours chercher de quoi noter...
Cédric pensa que le jour où il avait embauché la jeune fille, il avait été merveilleusement inspiré. Dès qu’elle fut installée face à lui, crayon et bloc en main, il ne put s’empêcher de la taquiner.
- Sais-tu que pendant tout l’entretien, Francis Malvaux n’a pas tari d’éloges à ton sujet. J’en viens à me demander si ce sont mes talents de financier ou l’efficacité de ma secrétaire qui nous ont permis de décrocher le contrat ! Quoiqu’il en soit, tu as mérité une prime exceptionnelle.
Carolina s’apprêtait à le remercier quand le téléphone sonna.
- Secrétariat de Cédric Boukerma, bonsoir.
Elle lui tendit immédiatement le combiné.
- C’est ta tante de Bretagne...
Un peu surpris, Cédric prit l’appareil. Sa tante ne l’appelait jamais, hormis pour lui souhaiter son anniversaire ! Il sentit l’inquiétude le gagner. Était-il arrivé quelque chose à ses parents ?
- Tante Martine ? Il n’y a rien de grave, j’espère ?
A l’autre bout du fil, la voix semblait tendue.
- Je te rassure tout de suite, tes parents vont bien... Je suis désolée de te déranger, mais je ne connais que toi à Paris...
- Tu ne me déranges pas, voyons. Tu as l’air inquiète, qu’est-ce qu’il y a ?
- C’est au sujet de ton oncle... Mardi dernier, il est monté à Paris, pour la réunion annuelle des anciens de l’école vétérinaire. Tu le connais, quand il est avec ses vieux copains, il ne m’appelle pas souvent. Moi je ne me faisais aucun soucis... Mais son ami Julien Rieux vient de téléphoner, ça fait deux jours qu’il ne lui a pas donné signe de vie. Tu te rends compte ? Et je ne sais même pas à quel hôtel il est descendu ! Je crois que c’est du côté de la gare Montparnasse, mais je n’ai pas le numéro. D’habitude, c’est lui qui m’appelle...
- Ne t’affoles pas, on va le retrouver. Donne-moi le téléphone de son copain. Je vais voir ce que je peux faire...
Dès qu’il eut raccroché, Cédric se tourna vers Carolina.
- Pour le contrat, nous verrons demain matin... Ma tante n’est pas femme à s’affoler pour un rien. Il est certainement arrivé quelque chose à mon oncle.
Il appela immédiatement Julien Rieux qui lui fixa rendez-vous pour le soir même.
En arrivant à la clinique vétérinaire, Cédric comprit au premier regard que l’homme était bien plus inquiet qu’il ne l’avait laissé paraître à la femme de son ami.
- Je ne voulais pas trop inquiéter votre tante. Pourtant, je crois qu’elle a bien fait de vous appeler. Vous savez, Yann est quelqu’un de très indépendant. Habituellement, je ne surveille pas ses faits et gestes, je sais qu’il aime bien flâner à son gré dans Paris. Mais deux jours sans un coup de fil, ce n’est pas son genre ! Je ne peux pas m’empêcher de faire le rapprochement avec une aventure étrange qui nous est arrivée.
Cédric l’encouragea d’un hochement de tête et Julien poursuivit.
- Mercredi soir, nous avions un banquet avec nos anciens camarades. Ça se passait dans une péniche sur le canal de l’Ourcq. Comme on se doutait que le vin coulerait à flot, je n’avais pas pris ma voiture. Après le repas, Yann et moi, étions les deux derniers à lever le camp. On avait commandé un taxi et on l’attendait tranquillement au bord de l’eau. Tout à coup, il y a eu une sorte de gros « plouff », à deux pas de nous. Au même moment, une BMW qu’on n’avait pas remarquée s’est dégagée d’un bosquet et deux types s’y sont précipités. Ça nous a semblé louche. Comme l’auto passait, tous feux éteints, sous un réverbère, instinctivement, j’ai noté son numéro sur mon paquet de cigarettes. Yann, lui, il n’a fait ni une ni deux... Il a plongé dans le canal ! Je l’ai aidé, tant bien que mal, à remonter un grand sac de toile. Ce qu’on y a trouvé n’était pas bien joli...
Julien Rieux s’arrêta un instant. Il avait l’air bouleversé. Cédric se garda bien de l’interrompre.
- C’était un chien... Une chienne, pour être précis... Ou plutôt ce qu’il en restait ! Elle respirait encore, mais elle était à moitié éventrée... Des morsures sur tout le corps. On a décommandé le taxi et j’ai appelé mon assistant qui est venu nous chercher avec le break de la clinique. Nous avons fait au plus vite, mais la pauvre bête est morte sur la table d’opération. Le pire, c’est qu’elle attendait des petits. Cinq petits cadavres... De toute ma carrière, je n’avais jamais vu une horreur pareille. Elle était en gestation et des salauds l’avaient fait combattre ! Yann était fou de rage et bien décidé à retrouver les responsables de ce carnage.
- Vous avez le numéro d’immatriculation de la voiture ? demanda Cédric.
- Non, justement... C’était un numéro en Seine-Saint-Denis, c’est tout ce dont je me souviens. Mon assistant a une amie qui travaille à la préfecture de Bobigny. Il l’a appelée dès le lendemain matin et elle lui a donné les coordonnées du propriétaire du véhicule. Mais Yann a tout de suite raflé le bout de papier et il est parti comme une furie. C’est votre oncle, vous connaissez son caractère ! Je n’ai pas pu le retenir. Depuis, aucune nouvelle. Et je n’ai même pas le numéro de son hôtel ! C’est rue de l’Arrivée, je crois...
Cédric prit congé de Julien Rieux. Il était inquiet pour son oncle et voulait agir vite. Il décida de passer chez lui pour se changer. Dans les circonstances présentes, une tenue jean et perfecto lui semblait mieux adaptée que le costume style anglais qu’il portait pour ses rendez-vous financiers ! Il en profita pour récupérer Bowie et partit faire la tournée des hôtels de la rue de l’Arrivée.
Le quatrième fut le bon. Le patron était un gars de Fouesnant qui connaissait très bien Yann et avait plaisir à le recevoir à chacune de ses visites à Paris. Justement, il s’étonnait que son client n’ait pas regagné sa chambre depuis plus de deux jours.
- Je sais qu’il lui arrive parfois de dormir chez son copain, du côté de Saint-Maur. Mais ça m’étonne tout de même. Il aurait dû repasser, ne serait-ce que pour changer de vêtements ! Il n’a rien emporté, toutes ses affaires sont dans sa chambre.
- Me permettez-vous d’y jeter un coup d’œil ?
L’homme parut hésiter.
- Vous êtes bien son neveu, au moins ?
Heureusement, Cédric avait envisagé ce genre de réaction et emporté une photo de famille où on le voyait, en compagnie de son oncle. Tout à fait rassuré, l’hôtelier lui ouvrit la porte de Yann.
Dans le tiroir d’une commode, Cédric retrouva le paquet de cigarettes vide où Julien Rieux avait noté le matricule de la BMW. Mais aucune adresse.
Cédric savait que son ami, le commissaire Roger Flandrois était absent, pour une enquête en province. Il parvint néanmoins à contacter Pierre Eber, l’un de ses adjoints.
- Je te rappelle dès que j’ai le renseignement, lui répondit celui-ci.
L’hôtelier avait suivi leur conversation.
- C’est un numéro dans le 93 dit-il... La dernière fois que j’ai vu Yann, il m’a demandé le chemin pour aller à La Courneuve. Lui qui connaît à peine la région parisienne... J’espère qu’il n’aura pas pris un mauvais coup. Il y a des coins pas très sûrs vers là-bas !
Cédric quitta l’hôtel et, pour gagner du temps, se dirigea directement vers la banlieue Nord. Il avait presque atteint La Courneuve quand Eber le sonna sur son portable pour lui communiquer les renseignements attendus.
Cédric arriva enfin sur les lieux, après s’être à moitié perdu dans les dédales de l’immense cité. Comme il s’apprêtait à faire sortir Bowie de la voiture, il remarqua un groupe de jeunes gens accompagnés de chiens, à quelques immeubles de là.
Il hésita un instant. S’il devait s’introduire dans le milieu des combats de chiens, Bowie serait le complice idéal. Pourtant, il préféra laisser le brave boxer dans la voiture. Les autres chiens pouvaient s’avérer agressifs et Cédric jugea plus prudent de garder Bowie hors de leur portée.
Arrivé près du groupe de jeunes gens, il entra directement dans le vif du sujet.
- Je cherche Sébastien Lemoine. Vous le connaissez ?
- Faut voir... Qu’est-ce que tu lui veux à Sébastien ? demanda un grand maigre d’environ vingt-cinq ans qui portait sa casquette de base-ball à l’envers.
- Je me suis laissé dire que nous pourrions faire affaire ensemble...
Le gars le regardait d’un air suspicieux et fit un signe à ses comparses qui se rapprochèrent, la mine menaçante. Cédric se demandait s’il avait réellement affaire à une bande de malfrats ou si ces types-là se donnaient un genre pour tenter de l’impressionner.
Lui-même conservait une attitude décontractée bien qu’au fond de la poche de son blouson de cuir, il tripotât nerveusement le remontoir de sa vieille montre de gousset. Il cherchait une réplique susceptible de désamorcer la tension qui montait quand une jeune fille fit irruption auprès d’eux, créant une diversion opportune.
Elle était grande et mince avec de longs cheveux bruns. Cédric pensa qu’elle ne manquait pas d’allure, malgré des vêtements d’apparence bon marché. Elle riait et lança d’un air moqueur :
- Eh ! Sébastien... Ton imbécile de copain vient d’avoir la frayeur de sa vie !
Comme l’homme à la casquette demandait « Quel copain ? » Cédric comprit qu’il était tombé du premier coup sur celui qu’il cherchait.
La fille reprit, sur le même ton ironique :
- C’est vrai que pour ce qui est des imbéciles, tu n’as que l’embarras du choix ! Bon, passons... Je te parlais de Karim. Il a voulu s’amuser à tripatouiller les serrures d’une Jaguar sur le parking... Mais, manque de chance, il y avait un chien à l’intérieur...
Sur ce, le dénommé Karim les rejoignit à son tour. Apparemment un peu gêné que la jeune fille l’ait surpris en pleine déroute, il tentait d’adopter une attitude flegmatique en s’adressant à son copain.
- Tu devrais jeter un œil sur le parking. Il y a quelque chose qui ferait bien notre affaire...
Il se tut brusquement en constatant la présence d’un inconnu.
- Je crois qu’il s’agit de ma voiture. Et peut-être de mon chien, dit Cédric. C’est de lui dont je voulais vous parler... On m’a dit que vous organisiez des combats...
- Faut voir... répondit laconiquement Sébastien et, cette fois, le ton employé était nettement moins agressif.
Un troisième larron prit la parole.
- Il a déjà combattu ton chien ? C’est quoi comme race ?
Karim l’interrompit.
- Si tu voyais le molosse, tu poserais pas la question !
Puis, se tournant vers Cédric, il poursuivit.
- C’est au combat qu’il a laissé une oreille ?
- Oui. Il a perdu une oreille, mais il n’a jamais perdu un match, répondit Cédric.
- Alors, il m’intéresse sûrement, dit Sébastien. Mais faut le tester.
- Ce soir, je suis un peu pressé. Demain soir, si vous voulez, on se retrouve ici.
- Ok, à neuf heures, sur le parking. Je connais un endroit tranquille. On pourra essayer ton chien contre Bugsy, dit-il en désignant un énorme rottweiler.
Cédric les quitta sur un vague salut. En partant, il remarqua toutefois les regards que lui jetait la jolie brune.
Il regagna sa voiture où l’attendait Bowie. Bien entendu, pas un instant il n’avait envisagé de mêler son chien à ces pratiques barbares. « Bon... J’ai retrouvé les organisateurs des combats... Mais qu’en est-il d’oncle Yann ? Je ferais peut-être mieux d’appeler Eber à la rescousse. » se dit-il.
Pourtant, d’instinct, il était tenté d’agir seul. Il pensa toutefois à ce que son père se plaisait à lui répéter « Apprends à déléguer. On ne peut pas toujours tout faire par soi-même ! ». Cette évocation lui ramena le sourire aux lèvres.
Pour s’accorder le temps de la réflexion, il décida que Bowie méritait bien de se dégourdir un peu les pattes. L’endroit ne manquait pas de broussailles sur lesquelles il se ferait une joie de laisser son empreinte.
Comme Cédric cheminait à travers les allées, Bowie musardant à ses côtés, il entendit derrière lui le crépitement précipité de hauts talons. Il se retourna et aperçu la jolie brune qui courait vers lui. Il s’arrêta pour l’attendre. Tout essoufflée, elle le rejoignit et murmura :
- Il faut que je te parle...
Puis elle se tut, un peu gênée, comme si elle regrettait déjà son audace. Elle regardait la pointe de ses chaussures en dansant d’un pied sur l’autre.
Pour la mettre à l’aise, Cédric se présenta et lui tendit la main en souriant.
- Moi c’est Sandrine, répondit-elle avant de retomber dans son mutisme.
- Si tu connais un café dans le coin, on pourrait peut-être aller prendre un pot. Tu verras, Bowie se comporte avec beaucoup de distinction dans les lieux publics ! dit Cédric, pour détendre l’atmosphère.
- J’aime mieux pas qu’on nous voit pas ensemble...
Cédric lui désigna un banc.
- On peut s’asseoir un instant, si tu préfères.
Toujours silencieuse, la fille acquiesça d’un signe de tête.
- Tu voulais me parler, Sandrine ? relança Cédric.
- Ne viens pas au rendez-vous demain soir. Il ne faut pas leur faire confiance, lança-t-elle dans un souffle.
- Ne t’inquiètes pas pour moi, répondit Cédric. Mais pourquoi me préviens-tu ? Je pensais que c’était tes copains...
- Pas mes copains... Sébastien est mon frère. Mais c’est pas pour toi que je m’inquiète, c’est pour lui, dit-elle en montrant Bowie. Toi, tu es bien comme eux, prêt à faire massacrer ton chien pour de l’argent ! D’ailleurs, du fric, tu n’es pas prêt d’en gagner avec eux ! C’est tracé d’avance. Si ton chien est vaincu, c’est Sébastien, Karim et José qui empochent l’argent des paris. Dans le cas contraire, ils s’arrangent pour voler le chien et le font combattre pour leur compte. Alors, de toute façon, c’est le chien qui trinque...
Cédric allait répliquer mais elle ne lui en laissa pas le temps et reprit :
- Si tu avais vu l’état dans lequel était le dernier pitbull qu’ils ont fait combattre... Un œil crevé, des plaies partout... Je voulais le soigner, mais ils ne m’en ont pas laissé le temps. Les chiens hors d’usage, c’est comme les preuves de leurs combines, ils savent les faire disparaître !
Elle eut soudain l’air complètement découragée et dit :
- Je me demande bien pourquoi je te raconte ça. Tu t’en fiches pas mal !
- Détrompe-toi, répondit Cédric. Je ne laisserai personne faire de mal à Bowie.
- C’est ça ! Et son oreille, c’est dans un salon de toilettage qu’il l’a perdue ?
Cédric eut l’intuition qu’il pouvait lui faire confiance. Il était évident qu’elle n’appréciait pas les agissements de son frère. Peut-être en savait-elle suffisamment pour l’aider à retrouver Yann.
- Je peux t’assurer que Bowie n’a jamais combattu. Pour son oreille, c’était avant qu’on se rencontre lui et moi, avoua-t-il. Mais toi, si ces procédés te choquent, pourquoi ne préviens-tu pas la SPA ?
- C’est facile à dire ! C’est mon frère qui fait la loi dans la cité... Tout comme chez nous, d’ailleurs ! Moi je m’échine toute la journée à la cafétéria du supermarché alors que lui ne vit que de magouilles. Mais mon père lui donne toujours raison. Si je le dénonce, je n’ai plus qu’à faire ma valise. Et pour aller où ?
Soudain, elle arrêta net sa tirade et regarda Cédric avec étonnement.
- Mais... Si c’est pas une histoire de combats de chiens... Qu’est-ce que tu faisais avec Sébastien et les autres ? demanda-t-elle.
Elle semblait au bord des larmes et Cédric fut ému par sa détresse. Il lui entoura les épaules d’un geste affectueux et, décidant de jouer carte sur table, il lui exposa franchement la situation.
Elle fut soulagée d’apprendre qu’il ne partageait pas les goûts cruels de son frère. Malheureusement, quand il lui présenta la photo de son oncle, elle déclara n’avoir jamais vu cet homme-là.
Soudain, Cédric fut pris d’une inspiration.
- Dis-moi, sais-tu comment ton frère et ses copains se débarrassent des chiens qui ne leur servent plus ?
- Oui. S’il est mort, ils le balancent tout simplement dans le canal ou ailleurs. S’il n’est que blessé, ils l’achèvent ou parfois ils l’enferment à l’usine et ils le laissent mourir...
- L’usine ?
- C’est une usine désaffectée, ils y jettent tout ce qui peut les gêner.
Cédric pensa que dans le genre « gêneur », son oncle Yann n’avait pas son pareil ! Si ce n’est, peut-être, un certain neveu...
- C’est loin d’ici ? Tu saurais retrouver l’endroit ?
- Je sais y aller, mais c’est immense, je ne connais pas l’endroit exact.

Une fois sur les lieux, c’est le flaire de Bowie qui fit le reste. Après que Cédric eut enfoncé la porte, ils découvrirent Yann dans un état d’extrême faiblesse. Le pitbull borgne n’était pas beaucoup plus vaillant. Pourtant, il leur fit face, prêt à protéger son nouvel ami. D’un geste de la main, Yann l’apaisa.
Ensuite, tout alla très vite. Cédric appela le SAMU pour Yann, la clinique de Julien Rieux pour le chien... Et l’inspecteur Pierre Eber pour Sébastien, Karim et José !
Sandrine savait que, dès l’instant où elle témoignerait contre son frère et les autres voyous, elle serait rejetée par son père et les copains du quartier. Elle le fit malgré tout.

Sur le quai de la gare Montparnasse, Cédric regardait s’éloigner le TGV. Après trois semaines d’hôpital, Yann regagnait Quimper. Mais il ne partait pas seul, il emportait dans ses bagages un pitbull éclopé et une jeune banlieusarde bien décidée à devenir assistante vétérinaire !

Fin