Boxe à louer, une nouvelle de Jocelyne Duparc, à lire en ligne ou à télécharger







ENTRE SENTIMENTS ET SUSPENS,
UNE HISTOIRE À LIRE EN LIGNE


« BOXE À LOUER »
ou
La revanche posthume de Carmen, une histoire courte

Une nouvelle de Jocelyne Duparc


Pour rejoindre Sylvain à Paris, Carmen avait rompu avec ses parents, bravé son frère Diego, quitté son pays. Il y avait de cela un an à peine. Aujourd'hui, que restait-il de leur amour ? Elle avait cru rencontrer le prince charmant, un jeune juriste plein d'avenir. Quelle dérision ! C'était un simple escroc à la petite semaine qui n'avait tenu aucune de ses promesses… Elle se sentait si seule, bafouée par cet homme qui n'avait fait que lui mentir.

Au début, elle avait tout accepté, ses infidélités, sa mauvaise humeur, ses magouilles. Elle avait tout toléré tant qu'il avait fait l'effort de lui dissimuler ses incartades. Tant qu'elle s'était cru aimée, elle avait pardonné, elle avait espéré. Mais à présent, c'était bien fini.

Depuis qu'il s'était acoquiné avec cette Sabine, il lui donnait tout juste de quoi tenir la maison et la traitait à peine comme sa domestique. Pendant ce temps-là, il menait la grande vie avec cette fille encore plus malhonnête que lui ! A eux deux, ils écumaient les « pigeons », comme ils les appelaient en riant. Sylvain s'octroyant le titre de notaire et Sabine celui d'agent immobilier, les deux comparses vendaient des appartements qu'ils ne possédaient pas ! Quand ils avaient allègrement revendu le même bien, à plusieurs « gogos », ils disparaissaient, pour répéter leur scénario, sous un autre nom, dans un autre quartier.

Aux premiers jours de leur vie commune, Carmen qui maîtrisait difficilement les subtilités de la langue française avait réellement pris Sylvain pour un clerc de notaire. Quelques notions de droit, vestiges d'une année passée en faculté, lui permettaient de créer l'illusion. Mais peu à peu, Carmen avait ouvert les yeux et découvert une vérité qui ne lui plaisait guère. Lui, de son côté, comprenant qu'elle n'était plus aussi naïve, avait commencé à se méfier d'elle. Plus les jours passaient, plus il devenait irritable, il la rabrouait pour un oui ou pour un non. A présent, il ne prenait même plus la peine de cacher sa liaison avec Sabine qui, sous prétexte de parler affaires, faisait irruption chez eux à tout bout de champ. Carmen aurait voulu le quitter mais, sans argent, elle se sentait prise au piège.

Les courriers que lui adressait son frère étaient son seul réconfort. Il venait d'acheter un petit hôtel sur la Costa Brava et disait qu'elle y serait toujours la bienvenue. Malheureusement les quelques sous dont elle disposait ne lui permettaient même pas de remplir le réservoir de sa vieille auto ! Bien sûr, Diego aurait été heureux de lui avancer l'argent du voyage, mais sa dignité lui interdisait de revenir au pays les mains vides, alors qu'elle en était partie fière et conquérante !

Cherchant comment s'en sortir, elle pensa au meuble où Sylvain rangeait ses « documents secrets » Peut-être y trouverait-elle un chéquier ou quelques Euros ? Fébrilement, elle se mit à fouiller parmi les chemises cartonnées.

Trop concentrée à sa tâche, elle n'entendit pas la clé tourner dans la serrure et sursauta quand la silhouette de Sylvain s'encadra dans l'embrasure de la porte.

Voyant ses dossiers épars, il entra dans une rage folle et lui arracha les papiers des mains.
- Ah ! Tu m'espionnes, maintenant ! dit-il en lui assénant une gifle magistrale.
Les larmes aux yeux, frottant sa joue endolorie, elle le regardait avec épouvante.

Lui tournant délibérément le dos, Sylvain quitta le salon. Quelques instants plus tard, il revint muni d'une mallette dans laquelle il entassa ses dossiers compromettants.
- Si je ne peux plus te faire confiance, dorénavant j'entreposerai mes papiers chez Sabine, murmura-t-il entre ses dents.

Comme elle ne répondait rien, il la toisa d'un air méprisant.
- Ne m'attends pas avant vendredi… Une affaire urgente à régler en banlieue… Je te passerai un coup de fil… lança-t-il simplement en claquant la porte.

Bien entendu, il n'avait pas daigné lui laisser le moindre argent ! Comme elle restait là, un peu hébétée, à fixer le secrétaire béant, un objet brillant au fond du meuble vide, attira son attention. C'était une clé. La clé du boxe où Sylvain garait sa voiture.

Alors, pour la première fois de sa vie, une idée malhonnête germa en son esprit.
- Après tout, pourquoi ne pas utiliser la même méthode que lui ?
Il suffisait de passer une annonce, faire des copies de la clé, profiter de l'absence de Sylvain pour faire visiter les lieux, encaisser les loyers d'avance…

Carmen se souvenait d'un nom qu'elle avait remarqué en feuilletant les dossiers de Sylvain « Agence Langlois », un des pseudonymes utilisés par le couple d'escrocs. Elle rédigea un texte portant l'en-tête de cette agence fictive et se rendit au siège du magazine sur lequel Sylvain avait coutume de passer ses annonces de ventes immobilières. Par chance, le journal à paraître pour le lendemain n'était pas encore bouclé et elle put y faire insérer son message « boxe à louer ». Elle donnait l'adresse et proposait des visites sur place l'après-midi même du jour de parution du journal. L'employée qui enregistra l'annonce accepta d'adresser la facture à Sylvain. Tout allait pour le mieux. Carmen alla ensuite chez un cordonnier où Sylvain, qui était très soigneux, faisait régulièrement ressemeler ses chaussures. L'homme, comme tout cordonnier qui se respecte, fabriquait aussi les « clés minute ». Carmen lui demanda plusieurs répliques de la clé du boxe et fit mettre la facture sur le compte de son ami.

Tout semblait en ordre, Carmen n'avait qu'une seule crainte, c'était que tous les postulants viennent au rendez-vous en même temps. Quelques instants de réflexion et elle imagina une parade. Si plusieurs personnes arrivaient au même moment, elle prendrait leurs coordonnées et les rappellerait pour un entretien privé afin d'encaisser les loyers sans éveiller l'attention des autres.

Le lendemain, alors qu'elle s'apprêtait à se rendre au rendez-vous, elle remarqua un vêtement qui pendait à la patère de l'entrée. C'était un ciré « pieds de poule » rouge et blanc que Sabine avait oublié chez eux lors d'une de ses visites surprise. Carmen sourit à l'idée d'une nouvelle ruse. Elle enfila le vêtement, chaussa son nez de lunettes teintées et laissa flotter sur ses épaules les longs cheveux bruns qu'elle portait habituellement en catogan. Un bref coup d'œil au grand miroir mural, la similitude était parfaite. Si on les questionnait, les gens jureraient reconnaître Sabine !

L'affaire fut menée tambour battant. Carmen eut l'aubaine de voir défiler les acquéreurs à intervalles réguliers. Elle distribua les clés, précisant que le boxe serait libre dès vendredi matin, et encaissa les cautions. Bien entendu, il y avait plus de chèques que d'argent liquide mais c'était une éventualité à laquelle elle s'était attendue.

Le soir venu, elle jeta les chèques, compta les billets et constata qu'elle possédait une somme assez rondelette. Elle appela Diego pour le prévenir qu'elle prendrait la route le lendemain matin. Elle serait chez lui en fin de soirée.

A son retour, Sylvain se débrouillerait avec les locataires floués… Il ne connaissait même pas l'existence de l'hôtel de Diego, il ne la retrouverait jamais !

*****

Pas une place de stationnement de libre et cette pluie qui n'arrêtait pas… Sylvain repéra la voiture de Carmen et se gara en double file à côté d'elle. Comme ça, il ne gênerait personne. Il éteignit les phares, coupa le contact.
- Attends-moi ici. Je prends ton imper et je redescends tout de suite… dit-il en se tournant vers Sabine.

Ils avaient écourté leur séjour à Fontainebleau parce que le temps avait tourné et que Sabine tenait absolument à récupérer son ciré « pieds de poule ». Elle possédait bien d'autres vêtements de pluie mais justement, cette nuit-là, c'était celui-ci qu'elle désirait porter ! Sylvain était habitué aux caprices de son amie et pensait que c'était justement ce côté enfant gâté qui faisait son charme. « Un sacré tempérament » pensait-il en courant vers l'entrée de l'immeuble. Décidément, cette fille lui mettait le feu au sang, tout le contraire de Carmen ! Quoique la douceur de sa compagne ne soit pas non plus pour lui déplaire. C'était reposant.
- En somme, deux belles filles dont les caractères se complètent, c'est la situation rêvée, se dit-il en souriant.

Carmen s'était couchée de bonne heure, mais trop énervée pour trouver le sommeil, elle s'était relevée aussitôt. Sa valise étant déjà bouclée, elle avait décidé que le mieux était de partir sans plus attendre. Après une douche rapide elle vérifia une dernière fois qu'elle n'avait rien oublié. La pluie crépitait contre la baie vitrée du salon, elle pensa qu'il ne serait pas très agréable de faire la route de nuit, sous la pluie. Mais à ce moment-là, rien n'aurait pu ternir sa joie. Elle empoigna sa valise…

Devant la porte de l'appartement, Sylvain souriait encore en fouillant dans sa poche pour en extraire ses clés. Avec précautions, il fit coulisser le verrou.
- Surtout, ne pas réveiller Carmen, ça ferait tout une histoire ! se dit-il.
Il poussa la porte qui glissa sans un bruit. Son sourire s'éteignit sur ses lèvres.
Carmen était là, devant lui, un sac de voyage en bandoulière, une valise à la main.
Tous deux demeurèrent quelques instants figés par la surprise.
- Mais… Qu'est-ce que ça signifie ? bredouilla Sylvain. Qu'est-ce que tu fais là avec ces valises ?
- Je m'en vais, répondit-elle simplement.
- Tu… Tu t'en vas ? Comment ça, tu t'en vas ?
Pour un peu, il en aurait bégayé ! Suffoqué, il repoussa la jeune femme à l'intérieur. Ainsi elle voulait le quitter ! Il l'avait cru soumise, à sa merci, et elle osait partir sans le prévenir !

Faisant appel à tout son courage, Carmen se tenait bien droite devant lui.
- Laisse-moi passer, Sylvain. Je pars et puis c'est tout…
Elle fit un pas en avant. Sylvain la repoussa à nouveau d'une bourrade. Un vague relent d'amour se mêlait à la colère qui le submergeait. Mais son tempérament violent prit le dessus.
- Tu ne me quitteras pas, comme ça, sans explications, cria-t-il, hors de lui, en tentant de l'empoigner.
Carmen n'était pas décidée à se laisser faire, bien que terrorisée, elle lui résistait de toutes ses forces. Perdant tout contrôle, il la gifla si violemment que le sac de voyage glissa de l'épaule de la jeune femme et tomba lourdement sur le sol. Une seconde gifle… Carmen recula vivement pour tenter d'échapper aux coups, le talon de sa chaussure se prit dans la lanière du sac qui gisait à ses pieds. Les yeux remplis d'effroi, elle tenta de reprendre son équilibre…

Sylvain la vit partir à la renverse, il n'eut pas le temps d'esquisser un geste, comme dans un film tourné au ralenti, il vit sa tête heurter le chambranle de la porte du salon. Sa colère retomba immédiatement, faisant place à la peur. Carmen ne bougeait plus et la fixité de son regard ne laissait présager rien de bon. Il s'approcha craintivement du corps inanimé et fit un effort sur lui-même pour palper son pouls. Pas la moindre pulsation.
- Ce n'est pas ma faute, murmura-t-il pour se rassurer… Je n'ai pas fait exprès… C'est elle qui l'a cherché !

Mais déjà des images de police, de cours d'assise et de prison se bousculaient dans sa tête. Affolé, il regardait autour de lui, cherchant désespérément une planche de salut. Soudain, un nom lui vint à l'esprit « Sabine » Il en était certain, Sabine saurait quoi faire ! Il se précipita vers la cage d'escalier.

Au premier coup d'œil, la jeune femme saisit la gravité de la situation.
- Inutile d'appeler une ambulance, elle est morte, ça ne fait aucun doute ! dit-elle sans se départir de son calme.
- Mais alors… Qu'est-ce qu'on va faire ? demanda Sylvain, tout prêt à la laisser prendre les choses en main.
- On peut appeler la police mais ce n'est peut-être pas la meilleure solution…
- C'est un accident, elle est tombée !
- Et tu penses qu'ils vont te croire sur parole ? rétorqua-t-elle. Sans compter qu'ils risquent d'en profiter pour mettre le nez dans nos affaires !
- Qu'est-ce qu'on va faire, alors ? questionna-t-il à nouveau.
Le regard dur, le front plissé par la concentration, Sabine faisait les cents pas à travers le salon.
- J'ai une idée ! dit-elle tout à coup.
Il la regarda, plein d'espoir.
- C'est bien sa voiture qui est garée au pied de l'immeuble ? demanda la jeune femme.
- Oui…
- Il faut parer au plus urgent. On la colle dans son coffre avec tous ses bagages et on file flanquer le tout dans ton boxe. Avec ce froid de canard, elle se conservera comme dans un frigo ! Ça nous fera gagner un peu de temps…
- Et après ?
- Après, on cherche un endroit tranquille… On trouvera bien un lac quelconque pour se débarrasser de la voiture sans être vus. En attendant, tu feras courir le bruit qu'elle est repartie en Espagne. D'ailleurs, c'est certainement ce qu'elle avait l'intention de faire !

Ce fut là toute l'oraison funèbre à laquelle eut droit la pauvre Carmen. Aussitôt dit, aussitôt fait, la vieille Seat et son macabre chargement furent remisés dans le boxe. Le lendemain même de cette lugubre expédition, Sylvain et Sabine partirent à la recherche de l'endroit idéal qui servirait de sépulture définitive à la jeune espagnole.

*****

Diego n'en pouvait plus d'attendre, il s'était fait une telle joie à l'idée de revoir sa sœur ! D'habitude, il n'était pas d'un tempérament anxieux mais, cette fois, il sentait malgré lui l'inquiétude le gagner. Une sorte de pressentiment mêlé à l'antipathie spontanée qu'il avait toujours ressentie pour Sylvain, lui faisait imaginer le pire. Deux longs jours s'étaient écoulés depuis le coup de fil de Carmen. Lui-même avait téléphoné plusieurs fois à Paris, sans obtenir de réponse. Il s'était alors renseigné auprès des autorités, tant espagnoles que françaises. Il avait appelé tous les hôpitaux. Aucun accident n'était à signaler, aucune victime qui corresponde à la description de sa sœur. Diego n'était pas homme à rester se ronger les sangs sans réagir. Il prépara un léger bagage, confia l'hôtel à son adjoint et prit la route vers Paris. Il n'avait pas de plan de bataille, il aviserait sur place.

Arrivé à Paris, malgré son caractère volontaire, il se sentit un peu perdu. En vain, il avait sonné plusieurs fois à la porte de Carmen, il avait écumé tout le quartier mais n'avait obtenu que bien peu de renseignements. La boulangère pensait que Carmen était repartie en Espagne. Rien de plus…

Travaillant depuis son plus jeune âge dans le tourisme, il se croyait parfaitement polyglotte mais, dans ces circonstances si particulières, il fut bien obligé d'admettre que son français laissait à désirer et ne lui permettait pas de mener plus loin son enquête.

Il se rendit au commissariat de police où on lui donna peu d'espoir. Sa sœur était majeure et tout laissait supposer qu'elle était retournée au pays… Alors, que faire ? Rentrer chez lui et attendre ? Il ne parvenait pas à s'y résigner.

- Il est arrivé malheur à Carmen, se répétait-il sans cesse. Elle ne m'aurait pas laissé sans nouvelles, c'est impossible…

En fin de journée, complètement démoralisé et fatigué par la longue route qu'il avait faite, il se résolut à prendre une chambre d'hôtel. Au matin, il appela l'Espagne où, bien entendu, on lui confirma que Carmen n'avait pas donné signe de vie. C'est alors que lui vint l'idée de s'adresser à une agence de détectives privés. Il emprunta un annuaire et se mit en devoir de consulter les pages jaunes. Tout de suite, dans la longue liste, il repéra l'agence « Alvarez » dont la consonance espagnole, en lui rappelant le soleil de son pays, lui rendit un peu d'espoir.

Lorsque la secrétaire l'eut introduit dans le bureau directorial, il fut un peu surpris, presque déçu. Il s'était imaginé rencontrer une sorte de Mike Hammer et il se retrouvait face à une jolie blonde au visage d'ange. Elle se leva pour le saluer. Sa poignée de main était énergique et son sourire chaleureux. Diego en oublia son a priori et, encouragé par la gentillesse de la jeune femme, il lui confia ses craintes et lui raconta tout ce qu'il savait de sa sœur, de Sylvain, de leur vie à Paris. Contrairement aux inspecteurs de police, Sophie Alvarez semblait considérer son histoire avec le plus grand sérieux et lui affirma qu'elle se mettait immédiatement sur l'affaire.

Il quitta son bureau légèrement réconforté. Elle lui avait promis qu'elle l'appellerait à l'hôtel dès qu'elle aurait du nouveau. Il n'eut pas à attendre longtemps, elle téléphona en début d'après midi.
- Je me suis renseignée auprès des études notariales, lui dit-elle… Aucun clerc nommé Sylvain Favier ! Vous êtes certain qu'il travaille à Paris ?
- Je ne suis sûr de rien à son sujet mais il m'a toujours affirmé être clerc dans une importante étude parisienne. Je le connais peu, mais à chaque fois que je l'ai rencontré, il m'a parlé de transactions immobilières…
- Des transactions immobilières ? Ça me rappelle une affaire qu'on à traitée récemment…
- Une autre disparition ?
- Non, une escroquerie… Une affaire de faux notaire… Ne quittez pas votre hôtel, je vous rappellerai ! dit-elle avant de raccrocher.

Sophie Alvarez était un bon détective. Elle avait du métier et une intuition assez sûre. Et, justement, cette intuition lui soufflait qu'il pouvait bien y avoir un rapport entre ce clerc de notaire introuvable et l'affaire d'escroqueries sur laquelle son cabinet bûchait depuis plusieurs mois. Elle se mit en devoir d'éplucher le dossier. Elle constata ainsi que la description des plaignants, concernant le faux notaire, correspondait tout à fait à celle de Sylvain. Encouragée par cette découverte, elle se fit apporter les derniers journaux, cherchant à repérer une annonce qui rappellerait l'affaire.

Toutes ces offres semblaient honnêtes mais Sophie s'entêtait. L'anxiété qu'elle avait lue dans les yeux sombres de Diego l'avait profondément émue. Elle commençait pourtant à se décourager quand son regard tomba sur un boxe à louer par l'agence Langlois. Ce nom figurait parmi les agences fantômes de son dossier.
- C'est peut-être un simple hasard, se dit-elle. Langlois est un patronyme bien banal !
L'adresse était sur l'annonce. Par acquit de conscience, elle décida d'aller y jeter un coup d'œil. De toute façon, elle n'avait pas d'autre piste. Elle appela Diego pour lui proposer de l'accompagner.

*****

C'était au bout d'une impasse étroite, un petit bloc de béton composé uniquement de boxes. Trois hommes y discutaient avec véhémence. Sophie et Diego hâtèrent le pas.

Devant le boxe ouvert, le cœur de Diego bondit dans sa poitrine. En apercevant la vieille Seat immatriculée en Espagne, Sophie comprit immédiatement. Elle sortit son téléphone portable et appela le commissaire Monnier qui était en charge de l'affaire d'escroqueries. En attendant l'arrivée de la police, les trois hommes expliquèrent comment ils avaient loué ce boxe à une femme brune vêtue d'un ciré imprimé rouge et blanc. Diego, quant à lui, les yeux rivés sur la voiture de sa sœur sentait l'angoisse l'envahir.

Le commissaire Monnier arriva enfin, accompagné de deux de ses hommes. Ils recueillirent les témoignages et décidèrent d'inspecter la voiture. Quand ils ouvrirent le coffre, Diego ne put retenir ses larmes. Sophie lui tendit la main qu'il attrapa et serra dans la sienne.

Ce fut ce moment que choisirent Sylvain et Sabine pour faire leur apparition. La veille, ils avaient déniché un petit étang boueux qui convenait à leurs sinistres desseins. Sabine portait son ciré rouge et blanc et Sylvain sifflotait en faisant tourner autour de son index les clés de la voiture de Carmen. Devant les policiers groupés autour du coffre ouvert, ils tentèrent de rebrousser chemin. Mais la vue des armes à feu braquées sur eux les en dissuada.

Fin