UNE HISTOIRE D'AMOUR, UNE HISTOIRE À PARIS
À Paris, en mai 68
Une histoire d'amour par Jocelyne Duparc
Du plus loin qu’il m’en souvienne, j’ai toujours été passionnée par l’Histoire avec un grand « H ». Dès le cours préparatoire, à peine assimilées les premières lettres de l’alphabet, je me jetai voracement sur l’Histoire de France.
Dans le grenier de mes parents, il y avait une énorme malle débordante de vieux livres. Tous les jeudis, je m’installais sous l’unique lucarne et passais l’après-midi à tourner des pages poussiéreuses, pleines de récits chevaleresques.
A chaque fois qu’il le pouvait, Vincent venait me rejoindre. Vincent était mon aîné d’une année et mon meilleur copain. Lui, c’est devant les Atlas de géographie qu’il s’évadait. Les exploits des grands navigateurs n’avaient aucun secret pour lui.
L’année de ses treize ans, il déclara qu’il deviendrait explorateur et s’en irait découvrir de nouveaux continents. Devant ma mine chagrinée, il s’empressa de compléter solennellement :
- Où que j’aille, il y aura toujours une place pour toi sur mon bateau.
Nos études se poursuivaient sans heurts et, au fil des ans nous demeurions fidèles à nos premières passions. Fidèles, nous l’étions également en amitié.
Cet été 1965, nous fréquentions toujours la même bande du quartier. Quand arrivèrent les grandes vacances, nous étions tous décidés à les savourer au maximum. A la prochaine rentrée nous aborderions l’année décisive du baccalauréat.
Tous les jours, nous nous retrouvions près de l’ancien lavoir, afin d’élaborer le programme de l’après-midi. Souvent, nous restions simplement assis sur le muret de pierre. Et là, nous échafaudions les projets les plus fous. Chacun d’entre nous avait une idée bien précise de ce que serait son avenir.
Christine ferait une carrière époustouflante dans le commerce international. Luc serait avocat d’assises.
Vincent rêvait toujours de grands voyages. Sa mère, devenue veuve très jeune, travaillait seule pour l’élever. Il savait qu’il ne poursuivrait pas de longues études. Quitte à faire le service militaire, il parlait donc de devancer l’appel et de s’engager dans la marine pour découvrir enfin les horizons lointains.
Michel partirait en Australie, il ferait fortune dans l’élevage des moutons !
- Moi, j’épouserai volontiers un éleveur de moutons fortuné, disait Martine...
Car l’amour avait fait son apparition parmi nous. Christine et Luc, Michel et Martine... Et, tout naturellement, Gwenaële et Vincent.
Tendrement appuyée contre l’épaule déjà vigoureuse de mon ami, j’écoutais les autres d’une oreille distraite.
- Et toi, Gwenaële, tu veux toujours être prof d’histoire ?
A présent, quand j’y pense, c’est ce jour-là, en entendant Michel formuler sa question de façon si banale, que l’envie de devenir professeur m’avait fuie à jamais.
J’avais répondu sur un ton déterminé qui avait surpris tout le monde.
- Non ! Je n’enseignerai pas l’histoire... Vous verrez, l’histoire, c’est moi qui l’écrirai !
Ce disant, j’eus la certitude qu’un jour, je serai de ceux qui « font l’événement » et non pas de ceux qui se contentent de le subir.
Comme toujours, l’été passa trop vite et nous reprîmes bientôt le chemin du lycée. Je décidai de consacrer toute mon énergie à l’étude, bien déterminée à décrocher mon bac avec mention. Mes parents, ravis, se félicitaient de mon assiduité. Ils m’imaginaient déjà « Prof d’Histoire-Géo » au lycée de Pont-l’Abbé.
J’avais d’autres projets. Je voulais « faire de la politique ». Je pensais aussi qu’on ne vit réellement qu’à Paris et que rien d’excitant ne m’arriverait jamais ici. C’était devenu une idée fixe qui, malgré moi, m’éloignait de mes camarades.
Je sentais qu’eux ne concrétiseraient jamais leurs espérances. Je les voyais déjà sur les traces de leurs parents, installés dans les faubourgs de la ville et vivant leur morne existence de boutiquiers de province. Même Vincent m’agaçait parfois, j’avais l’impression qu’il ne prendrait jamais son envol. Qu’étaient donc devenus ses rêves d’adolescent ? A quelques jours des résultats de l’examen, je lui posai la question.
- Tu ne parles plus de devancer l’appel... Qu’est-ce que tu comptes faire après le bac ?
- Tu sembles bien pressée de te débarrasser de moi !
Malgré le ton amusé, il y avait une note d’inquiétude dans sa voix.
- Tu sais... Avais-je répliqué... Moi non plus, je ne vais pas rester me morfondre ici. L’année prochaine, j’irai en faculté à Paris !
En réalité, je n’étais pas encore parvenue à fléchir mes parents. Il était entendu que j’irai en faculté mais, pour eux, Rennes représentait déjà le bout du monde !
Vincent avait accusé le coup, pourtant il m’avait simplement répondu :
- Eh bien ! Quand tu seras à Paris, il sera temps pour moi de prendre une décision.
Devant son regard tendre, je m’étais sentie coupable. J’étais désagréablement tiraillée entre mon amour pour lui et l’ambition qui me taraudait. Pour faire taire mes scrupules, je me fis plus câline. A ce jeu, il se laissait toujours prendre.
Arriva enfin le jour tant attendu des résultats du bac. Tous ensemble, nous étions allés affronter le panneau d’affichage. Ce fut un éclatement de joie, nous étions reçus tous les six ! Toutefois, même si les autres n’en étaient pas encore conscients, je savais que cet événement marquait en quelque sorte la fin de notre belle amitié. Nos vies allaient prendre des chemins différents. Comme je l’avais présagé, nos quatre amis orientaient leur choix vers des écoles régionales. Vincent se mettait en quête d’un travail.
Quant à moi, malgré mon insistance, mon père n’avait pas cédé, je n’irai pas à Paris. Il me fallut m’inscrire à la faculté de Rennes. Je me consolai en pensant qu’il ne s’agissait que d’une première étape. L’important était de quitter Pont-l’Abbé. l’éloignement ferait son oeuvre, mes parents s’habitueraient à mon absence.
Ce dernier été d’insouciance s’écoula beaucoup trop vite à mon gré. Au fond de moi, j’appréhendais le moment où je me retrouverai seule dans une ville inconnue. Depuis notre plus tendre enfance, Vincent et moi ne nous étions jamais quittés. Plus que tout, je redoutais cette séparation dont j’étais pourtant l’instigatrice. Nous feignions l’un et l’autre de ne pas y penser, comme si notre attitude décontractée pouvait en retarder l’échéance.
La veille de mon départ, nous étions allés dîner tous les deux dans l’un des meilleurs restaurants de la ville. C’est mon père qui nous avait fait ce cadeau. Pour que tout soit parfait, il nous avait même prêté sa voiture car Vincent venait d’obtenir le permis de conduire.
Après le repas, nous avions roulé dans la campagne et l’habitude nous avait conduits vers les bords de la rivière. A pas lents, main dans la main, nous longions la berge. Nous étions seuls au milieu de la nature endormie. Le murmure de l’eau troublait à peine le calme de la nuit.
Pour rompre le silence, je murmurai :
- Tu sais... Je reviendrai au moins une fois par mois...
Je ne reconnus pas ma voix. Les mots ne passaient pas, tant j’avais la gorge nouée.
Vincent ne répondit pas. Il se pencha vers moi et le baiser qu’il me donna ne ressemblait en rien à nos baisers d’adolescents... Plus ardent, plus passionné... Quand ses mains se firent exigeantes, je me laissai à mon tour gagner par la fièvre. Ce soir-là, violence douce et désespoir mêlés, nous fîmes l’amour pour la première fois.
Le lendemain j’étais à Rennes. Un certain vague à l’âme et au coeur altérait le plaisir que je m’étais promis d’éprouver en franchissant les portes de la faculté. Le soir même, j’écrivis à Vincent. Tous les jours qui suivirent, je fis de même. C’était parfois un simple petit mot d’amour et, d’autre fois, une longue missive dans laquelle je racontais les détails de ma vie d’étudiante. Lui, m’adressait des lettres d’amour passionnées que je lisais les larmes aux yeux.
Je ne revins à Pont-l’Abbé que trois semaines plus tard. Malheureusement, accaparée par mes parents j’eus peu de temps à consacrer à mon ami. Nous dûmes nous contenter d’un déjeuner en famille et à notre grande déception, le week-end s’acheva sans nous permettre le moindre tête à tête.
Et la vie reprit son cours... En vérité, je m’adaptais facilement à ma nouvelle situation. Je revenais à Pont-l’Abbé aussi souvent que possible. Toutefois, à cette époque, le TGV n’existait pas encore, je finis par trouver le voyage long et fatigant.
Peu à peu, je fis de nouvelles connaissances, je repris d’autres habitudes. Quand je retrouvais mes amis d’enfance, il me semblait que je n’avais plus les mêmes préoccupations qu’eux. Les blagues toutes simples, les potins de village sonnaient creux à mes oreilles, comparées aux conversations intellectuelles de mes récentes fréquentations. Certains jours, l’évocation de nos souvenirs du lycée me semblait très puérile. D’autres fois, c’était Vincent et sa recherche d’un emploi qui me paraissait trop terre à terre.
A ma décharge, je dirais que les études m’accaparaient. C’est pourquoi, au fil des jours, mes lettres se firent plus courtes. Et puis, j’écrivis moins souvent.
Un samedi matin, vers la fin de l’année scolaire, un coup de sonnette bref me tira du sommeil. La veille, nous avions fêté l’anniversaire d’une de mes camarades de faculté et je m’étais couchée très tard. J’enfilai un peignoir et j’ouvris la porte, encore à moitié endormie.
Sanglé dans un uniforme de gendarme, un paquet de croissants à la main... Vincent se tenait devant moi, un peu gauche, le sourire figé.
- J’espère que je ne te dérange pas trop...
Je me sentis tout à coup submergée par un flot de tendresse. Je n’étais pas retournée à Pont-l’Abbé depuis trois mois... Je n’avais pas écrit depuis trois semaines... Je n’avais pas pensé à lui depuis trois jours... Mais il était toujours Vincent, mon amour d’enfance...
Quand il me prit dans ses bras, je retrouvai intactes les émotions du premier jour. Enlacés sur mon petit lit d’une personne, nos corps parlèrent avant nos voix et nous fîmes l’amour longtemps, passionnément...
Ensuite, nous avions dévoré les croissants et tout ce que contenait mon minuscule réfrigérateur. Entre deux baisers, Vincent me racontait pêle-mêle... sa visite surprise... son uniforme... sa vie sans moi...
- Ça fait déjà deux mois que je me suis engagé dans la Gendarmerie Nationale.
- Mais... Tu ne m’en as rien dit !
- Je n’ai pas osé. Je craignais que tu ne trouves pas ça assez prestigieux !
Il avait repris, sur le ton enjoué et faussement décontracté que je lui connaissais bien :
- Et puis... Tu n’écris plus beaucoup... Je me suis même demandé si tu lisais encore mes lettres !
J’ai dû rougir malgré moi en pensant que souvent je survolais ses lettres en diagonale, toujours pressée de vaquer à d’autres occupations !
- Je suis venu, aujourd’hui, parce que j’ai une décision importante à prendre. J’ai besoin de ton avis, m’a-t-il dit.
- Mon avis ?
- Oui. Je reviens de la caserne, c’est d’ailleurs pour cela que je suis en uniforme. J’ai le choix entre deux affectations. Ici, à Rennes ou bien en Polynésie Française. Je dois donner ma réponse lundi.
- La Polynésie, Vincent... C’est le bout du monde... Un autre continent. C’est ce que tu as toujours désiré !
- Oui, je sais... Mais Rennes... C’est la ville où tu vis !
Je n’ai même pas osé le regarder dans les yeux pour prononcer la phrase qui contenait ma réponse implicite.
- Les cours se terminent dans moins de deux mois. L’année prochaine, je ferai la rentrée à Paris.
Nous avons passé le reste du week-end ensemble. Vincent se montrait très gai et très amoureux. Le samedi soir, nous sommes allés au restaurant et flâner dans la ville. Puis nous avons regagné ma petite chambre meublée. Le dimanche vers seize heures, il est reparti.
Après son départ, j’ai attrapé un livre, au hasard, mais j’avais beau fixer les lignes, mon cerveau n’enregistrait rien du tout. Était-ce déjà les regrets ou simplement des remords ? Quelques instants plus tôt, Vincent m’avait dit timidement « Si on se mariait, tu pourrais m’accompagner en Polynésie ». Je m’étais souvenu sa première déclaration « Il y aura toujours une place pour toi sur mon bateau... »
Il s’était contenté de ma réponse décousue « Études... Carrière... Plus tard... »
J’avais vingt ans, de l’ambition et la vie devant moi. Aurais-je dû tout sacrifier pour épouser un simple gendarme ? Pleurant à chaudes larmes, j’essayais de me convaincre que j’avais fait le bon choix !
En août de cette année-là, je suis allée à Paris avec mes parents. Nous y avons passé une semaine de vacances agréables, le temps de dénicher un petit studio pas très loin de la fac. Le contrat de location signé, nous avons regagné Pont-l’Abbé. L’été m’a semblé long, impatiente que j’étais de prendre possession de mon nouveau domaine. Septembre est enfin arrivé.
J’ai tout de suite adoré Paris et me suis merveilleusement entendue avec mes camarades de fac. J’orientais désormais mes études vers les sciences politiques et cette nouvelle tendance me passionnait.
Je rencontrais des jeunes gens tout aussi enthousiastes que moi. Nous passions tout notre temps libre en débats et discussions. Parmi eux, j’avais enfin le sentiment de préparer le monde de demain.
Et les mois ont passé. J’ai reçu des tas de lettres de Polynésie. J’en ai écrit aussi...
J’en ai écrit beaucoup... Jusqu’à ce que Cécile, ma nouvelle amie, me présente son cousin Xavier. Jusque là, il n’y avait pas eu d’autre garçon que Vincent dans ma vie. Malgré l’éloignement, il gardait une place dans mon coeur.
Xavier était différent des autres. Il émanait de sa personne une aisance naturelle et une élégance qui m’éblouirent immédiatement. De surcroît, il était beau, avec un visage fin et racé. Contrairement aux autres garçons de notre âge, il portait en catogan ces longs cheveux bruns. Je lui trouvais un air très Beaumarchais ! Quand Cécile me rapporta qu’il m’avait dite jolie, j’en fus terriblement flattée. Rapidement, nous devînmes inséparables. J’étais subjuguée par son personnage et, sans qu’il y ait le moindre flirt entre nous, il exerçait sur moi un réel ascendant. De plus, étant le fils d’un célèbre avocat parisien, il m’introduisait dans les milieux influents. N’était-ce pas ce dont j’avais toujours rêvé ?
Quand vint l’été 1967, j’étais un peu triste de quitter mes nouveaux amis. La vie à Pont-l’Abbé me parut bien morose, comparée aux instants exaltants que j’avais vécus à Paris. J’aurais aimé inviter Cécile et Xavier à passer quelques jours chez moi mais ces deux-là n’avaient pas l’esprit campagnard !
Je ne sortis pas beaucoup cet été-là. J’en profitai pour consacrer plus de temps à mes parents. Je reçus une carte postale signée Cécile et Xavier. Ils « s’éclataient » ensemble sur la Côte d’Azur !
J’accueillis la rentrée avec soulagement. Les cours, les copains, Cécile, Xavier, les réunions politiques... J’avais l’impression d’être prise dans un tourbillon. Je n’écrivais presque plus à mes amis de Bretagne. J’écrivais rarement à Vincent.
A la fin de l’hiver, l’ambiance changea, à la faculté. Il y régnait un climat étrange qui fleurait la révolution et le complot. Par Xavier et ses amis, j’eus connaissance, bien avant le commun des mortels des changements qui se préparaient.
Tout commença fin mars... Le vingt-deux mars précisément... Et j’y étais ! Exactement comme dans mes rêves d’adolescente. J’étais de ceux qui « font » l’histoire ! Durant les jours qui suivirent, nous avons vécu des moments trépidants. Nous étions de toutes les réunions, de toutes les manifestations. Xavier faisait figure de leader. Cécile et moi étions fières d’être vues en sa compagnie.
Et puis, ce fut le mois de mai et la violence qui montait crescendo. Contrairement aux autres, je me sentais mal à l’aise. Je m’obligeais à les suivre pour ne pas paraître timorée mais j’avais peur. Xavier nous poussait tous à l’action. Il disait « le vrai courage, c’est d’avoir peur mais d’avancer quand même ! ». Alors j’avançais avec les autres.
J’ai avancé, jusqu’à cette fin d’après-midi terrible où dans une petite rue du Quartier Latin, la violence a pris une telle intensité que j’en demeurai hébétée.
Il y avait des voitures qui flambaient, des cocktails Molotoff explosaient un peu partout. La rue était cernée par les escadrons de gendarmerie et les Compagnies Républicaines de Sécurité. Les boucliers et les casques brillaient dans la lueur des flammes. C’était une vision d’enfer. Je me demandais ce que je faisais là, parmi tous ces gens vociférants. Certains déterraient des pavés qu’ils jetaient sur les CRS. Les forces de l’ordre ont riposté, ils ont lancé des bombes lacrymogènes, ça fusait de partout.
Xavier a été le premier à réagir. Il a pris la main de Cécile, prêt à battre en retraite. Dans sa hâte, il m’a bousculée et, en même temps que je trébuchais, j’ai senti une douleur fulgurante irradier toute ma jambe. Je me suis raccrochée à son bras. Il a tenté de se dégager en hurlant à travers le vacarme ambiant :
- Sauve qui peut... On se retrouve tous chez Cécile...
J’ai crié à mon tour :
- Attends-moi ! Je ne peux pas marcher, je me suis foulé la cheville.
- Je n’y peux rien. Maintenant, c’est chacun pour soi !
D’un geste vif, il m’a retiré le soutien de son bras et dans un nuage de fumée, j’ai vu le cousin et la cousine s’éloigner au pas de course.
Combien de temps suis-je restée là, désemparée et bousculée par les uns et les autres ? Par deux fois, j’ai cru entendre crier mon nom. Je regardais autour de moi mais ne voyais aucun visage connu. Mes amis avaient tous déguerpi !
C’est à ce moment-là qu’à l’extrémité de la rue, un gendarme est sorti des rangs. Il a laissé tomber son bouclier qui a rebondi sur la chaussée d’une façon incongrue. Quand il s’est élancé vers la foule, certains ont cru à une offensive. Il y a eu un grand remous et de nouveaux jets de pierres.
Les yeux brûlants, je ne comprenais rien à cette scène cauchemardesque, j’aurais voulu m’en échapper. Soudain, des bras puissants m’ont entraînée. A l’instant même, à ce simple contact, j’ai su qui était mon sauveur. Quand, après m’avoir mise à l’abri, il a soulevé la visière de son casque, les yeux bleu-clair au regard grave se sont posés sur moi avec une telle tendresse... Ni blâme, ni reproche... Vincent et son amour, Vincent et sa confiance inébranlable en notre amour...
Elle n’est pas récente mon histoire ! On vient de fêté les 40 ans de ce que tout le monde appelle désormais « Les Événements de Mai 68 ». Pourtant, je m’en souviens comme si c’était hier. A l’époque, devant l’ampleur que prenaient les émeutes, les pouvoirs publics avaient fait appel aux compagnies de gendarmeries. De retour en France depuis quelques jours, Vincent c’était retrouvé parmi celles qui convergeaient vers la capitale.
Comme on sait, peu à peu, le calme est revenu dans Paris. Et, dans ma vie, un grand bonheur s’est installé.
Aujourd’hui, je me demande encore pourquoi je voulais à tout prix faire un choix, alors que je pouvais tout avoir à la fois ! J’ai terminé mes études. J’ai écrit des romans historiques qui ont recueilli un certain succès. Par contre, je n’ai plus jamais fait de politique ! Mais, le plus important pour moi, c’est d’avoir, malgré mes errements, conservé intact l’amour de Vincent.
Fin