UN AMOUR D'ÉTÉ, UNE HISTOIRE D'AMOUR
LE TEMPS D'UNE MOISSON
Nouvelle sentimentale par Marine Kerla
Comme André traversait la vaste cuisine rustique, sa mère le héla au passage.
- Bois au moins un café, tu as bien le temps, il est à peine sept heures !
- J'ai encore du travail, tout doit être impeccable avant l'arrivée des touristes !
- Cette affaire nous cause beaucoup de tracas, je me demande si ton frère a eu raison...
- Ne te fais donc pas de souci, tout ira bien. Et puis, ça change un peu... Ce n'est pas désagréable de voir du monde. Pour une fois !
- Tout de même... Je n'aime pas trop voir ma maison envahie par tous ces étrangers !
- Je sais... J'avais tendance à penser comme toi, mais Bertrand m'a convaincu. Sans parler des revenus non négligeables que cela nous apporte !
André avala son bol de café et sortit en coup de vent.
Quatre ans plus tôt, tout de suite après le baccalauréat, il avait dû abandonner ses études pour aider son frère. Leur père venait de décéder des suites d'une longue maladie et bien que l'exploitation agricole comptât déjà trois ouvriers, il y avait tant à faire que deux bras supplémentaires étaient les bienvenus.
Au début, André regrettait le lycée et ses camarades de classe. Bertrand, son aîné de six ans, était déjà marié et père d'un petit garçon. Aussi, la présence d'amis de son âge lui manquait-elle. Pourtant, peu à peu, il s'était pris au jeu. Il aimait travailler au rythme des saisons, en pleine harmonie avec la nature.
Bertrand, quant à lui, menait l'affaire de main de maître. En plus des tâches routinières, il s'occupait des démarches administratives et de la comptabilité. Il s'évertuait aussi à découvrir de nouveaux débouchés. C'est ainsi qu'il avait eu l'idée de d'accueillir, pendant les mois d'été, des groupes de citadins souhaitant profiter des bienfaits de la vie rurale. Une aile de la grande ferme fortifiée avait été équipée pour loger dignement cette clientèle estivale.
Au volant de son minicar, Bertrand était allé à la gare de Châteaudun accueillir un groupe de Parisiens. D'autres vacanciers arriveraient par la route dans le courant de la matinée. En tout, cela représentait une quinzaine de convives qu'il y aurait lieu d'héberger, de nourrir, de distraire.
Planté au milieu de la cour, André jeta un dernier regard circulaire. Des bacs de pétunias multicolores ornaient les rebords des fenêtres, il avait passé au jet le sol pavé et les haies de troènes fraîchement taillées embaumaient l'air déjà tiède.
- Une vraie ferme de contes pour enfants ! Se dit-il.
Il rejoignit sa mère à la cuisine. Malgré son évidente nervosité, Madame Lemoine semblait, elle aussi, assez satisfaite.
- Tout est prêt pour le repas de midi et il y a des boissons fraîches et du café. Il commence à faire chaud, ces gens auront certainement très soif en arrivant !
- Tu te débrouilles comme un vrai chef, Maman !
- Heureusement que ton frère a engagé la petite Nadine pour la durée de l'été. Je dois avouer que sans elle, j'aurais eu bien du mal à boucler tout ce travail...
Elle n'acheva pas sa phrase. Tout excitée, Nadine faisait irruption dans la pièce.
- Ça y est ! Ils arrivent. Je les ai aperçus depuis les fenêtres du premier étage !
La jeune fille se rapprocha d'André.
- Je suis un peu intimidée... Tous ces Parisiens... Est-ce qu'il faudra que je leur parle, moi aussi ?
- N'aie pas peur, j'ai promis à ton père de ne pas les laisser te manger ! Rétorqua Madame Lemoine en riant.
Elle appréciait beaucoup Nadine qui était la fille d'un cousin éloigné de son défunt mari. Nadine n'avait d'yeux que pour André et Madame Lemoine aurait aimé qu'une idylle naisse entre eux. Pour André, elle était l'amie d'enfance, une sorte de petite soeur et, malgré son affection pour elle, les marques d'attention perpétuelles dont elle l'entourait l'irritaient parfois.
Le minicar fit son entrée dans la cour. André sortit pour aider Bertrand à porter les valises.
Deux jeunes filles descendirent du véhicule. Une blonde et une brune qui portaient des shorts en jean et des T-Shirts bariolés. Trois garçons les suivaient. Tous se présentèrent spontanément.
- Nathalie, Christophe, Marc, Jérémie, Sylvie...
Quand il tint dans la sienne la main de Sylvie, André se dit que Bertrand avait vraiment eu une idée de génie en organisant ces séjours à la ferme ! Comme la jeune fille s'apprêtait à récupérer son bagage, il s'empressa de la devancer et leurs mains se rejoignirent une nouvelle fois sur l'anse du gros sac de voyage. Ils en rirent tous les deux, sans embarras.
Sylvie avait de longs cheveux d'un brun très sombre, relevés par une amusante barrette en forme de canard. André pensa qu'elle était la plus jolie fille qu'il ait jamais rencontrée. Ils gagnèrent le salon où sa mère avait disposé les rafraîchissements.
Dès qu'elle les vit arriver, devisant comme de vieux amis, Nadine pressentit le danger. Sans un mot elle aida Madame Lemoine à servir ses hôtes. Ce faisant, elle surveillait le groupe du coin de l'oeil. Trois garçons, deux filles... Elle se demandait si des couples étaient déjà formés ou s'il s'agissait simplement d'une bande de copains.
A regret, André dut quitter les jeunes gens car deux nouveaux véhicules faisaient leur entrée dans la cour. Quand il franchit la porte, Sylvie lui adressa un signe de la main qui n'échappa pas à Nadine.
Ce fut une journée d'effervescence à la ferme. Bertrand et sa femme Chantal s'occupaient de l'installation des vacanciers. Très férue d'histoire locale, Chantal leur indiquait les sites intéressants à visiter dans la région. Madame Lemoine et Nadine s'affairaient à la cuisine. Chacun tenait son rôle.
La saison était si chaude qu'on craignait des orages. Pour éviter tout risque Bertrand décida d'anticiper la moisson. André dut faire face à la situation et accompagner les ouvriers aux champs. Juché sur la moissonneuse, il déjeuna d'un simple sandwich et n'eut pas loisir de revoir la jeune Parisienne. Tout en vaquant à ses occupations, il ne pouvait s'empêcher de rêver aux grands yeux rieurs et aux longs cheveux bruns, maintenus en équilibre instable au sommet de la jolie tête !
Le soir venu, en regagnant la ferme, il fut surpris par l'animation qui y régnait. Des bambins jouaient sur un tas de paille. A l'ombre des gros châtaigniers, trois jeunes couples riaient aux éclats. Les femmes portaient des robes courtes et les hommes des pantalons de toile légère. André se sentit gagné par l'ambiance de fête. Du regard, il chercha Sylvie. Il ne la vit pas et en fut presque soulagé. Il préférait passer d'abord par la salle de bains afin de se montrer à son avantage.
Après une douche rapide, il enfila jean's et baskets. Fébrilement, il bouscula plusieurs piles de linge avant de dénicher son T-shirt préféré. Ainsi armé, il était prêt à conquérir sa belle.
En pénétrant dans la salle à manger, il vit avec plaisir qu'il restait une place libre auprès de Sylvie. Il craignit un instant de se montrer trop accaparant en s'appropriant d'emblée la chaise vacante. La jeune fille remarqua son hésitation.
- Je crois que votre Maman souhaite que vous vous installiez à cette table, dit-elle.
- Et la jolie Nadine voudra peut-être s'asseoir près de moi... Surenchérit Jérémie.
Nadine rougit mais accepta l'invitation. Ainsi, elle était placée juste en face d'André.
Pour sa part, Madame Lemoine ne voulait pas entendre parler de « public relations » et déléguait bien volontiers la tâche à ses enfants ! Elle avait réuni les familles autour de Bertrand et des siens. Elle-même se trouvait plus à l'aise auprès de ses employés qu'elle connaissait depuis toujours.
La soirée fut très gaie et le menu fort apprécié. Après le repas, l'un des garçons proposa de se rendre au village. André ne se fit pas prier pour leur servir de guide. De nouveau sollicitée par Jérémie, Nadine se joignit à eux.
A la terrasse de l'unique café du village, André se retrouva une fois de plus tout près de Sylvie. Ils se racontèrent mutuellement, heureux de se découvrir de nombreux goûts communs. Leur attirance réciproque n'échappa pas à leurs camarades et les plaisanteries se mirent à fuser autour d'eux. Absorbés l'un par l'autre, ils ne s'en souciaient pas. Ils ne remarquèrent pas non plus les regards que leur lançait Nadine.
La jeune fille feignait de participer à l'allégresse générale et parvenait à cacher la jalousie qui la dévorait. Elle ne parlait pas beaucoup mais observait attentivement les uns et les autres. Elle tentait de se faire une opinion sur chacun. Son instinct d'amoureuse lui disait qu'elle pouvait peut-être trouver un allié dans l'un des trois Parisiens. Marc avait une façon bizarre d'observer Sylvie à la dérobée. « Il y a certainement quelque chose entre ces deux-là » pensa-t-elle.
Son intuition ne la trompait pas. Quelques mois plus tôt, un flirt s'était ébauché entre les deux jeunes gens. Sylvie s'était rapidement aperçue qu'elle appréciait Marc en copain mais ne souhaitait pas voir leur relation évoluer dans un sens plus intime. Marc fit semblant d'accepter sa décision. Pourtant, il n'abandonnait pas l'idée de la conquérir et, tout comme Nadine, il appréciait peu qu'André vienne s'immiscer entre eux.
Quand le café ferma ses portes, le petit groupe reprit le chemin de la ferme. André et Sylvie marchaient main dans la main. Tout naturellement, ils se laissèrent distancer par leurs camarades et, dans la nuit naissante, échangèrent un premier baiser.
Dès cet instant, ils ne se quittèrent plus. Sylvie se découvrait une passion pour l'agriculture. Elle désirait tout connaître et partageait avec André les corvées les plus harassantes. Elle semblait ignorer la chaleur écrasante de la plaine beauceronne. Quant à lui, la seule présence de son amie lui donnait des ailes. Il n'avait jamais ressenti un tel bonheur. Il riait aux éclats quand, les cheveux en bataille et décorés d'épis de blé, elle l'entraînait sous des monceaux de paille pour cacher leur amour tout neuf.
Souvent, ils déjeunaient ensemble d'un panier pique-nique préparé par Madame Lemoine, dans l'ombre propice d'un talus ou d'une haie vive. Et, le soir venu, s'était toujours la même fête entre amis autour de la grande table copieusement garnie.
A ce rythme, les jours passèrent trop vite. Deux jeunes couples avaient déjà plié bagages et regagné leur domicile. D'autres les avaient remplacés qui semblaient tout aussi satisfaits. La moisson terminée, comblé par le succès de son entreprise, Bertrand décida d'accorder une semaine de congés à son jeune frère.
Tout à sa joie de vivre avec Sylvie huit jours complets de bonheur sans nuage, André s'inquiétait peu de son amie Nadine. Le soir, il la voyait s'amuser avec Jérémie, Christophe, Nathalie ou Marc et ne se faisait pas de souci pour elle.
En réalité, Nadine était loin d'éprouver la félicité qu'elle affichait. Tout d'abord, elle avait cru suffisant d'attendre avec patience le départ de Sylvie. Elle rongeait son frein, se disant que les vacances ne dureraient pas éternellement. Peu à peu, elle s'étonna de la quiétude des deux amoureux qui ne semblaient pas s'émouvoir outre mesure de la rentrée toute proche. Tout bascula pour elle, quand trois jours avant leur départ, elle comprit enfin qu'à peine deux heures de train séparent Paris de Chateaudun. C'était là le secret de leur sérénité. Ils avaient l'intention de se revoir et ne s'en cachaient pas.
Nadine passa une nuit affreuse, pleurant de rage et de désespoir. Au matin, sa décision était prise. Elle attendait André depuis trop longtemps. Il n'était pas question qu'elle laissa cette intruse lui voler son amour.
Sylvie et Nathalie partageaient la même chambre. Nadine vint y frapper timidement. Étant données leurs relations amicales, cette visite n'étonna nullement les jeunes filles qui l'accueillirent avec plaisir.
- Entre Nadine...
Toutefois, constatant sa mine défaite, Sylvie s'inquiéta.
- Mais... Tu as l'air bouleversée, que se passe-t-il ?
Avant d'éclater en sanglots, Nadine parvint à balbutier :
- C'est à cause d'André...
- André... Que lui est-il arrivé ?
Nadine se ressaisit.
- Ne t'inquiètes pas, il n'a rien... Mais il faut que je te parle, c'est très important... Je crois qu'il serait préférable que nous soyons seules.
Sylvie se sentit envahie par une vague d'angoisse.
- Tu peux parler devant Nathalie... Dis-moi ce qu'il y a !
- Eh bien... Voilà... Il faut que tu le saches... André est mon fiancé !
- Ton fiancé ! Mais il m'a toujours dit que tu étais son amie d'enfance !
- Oui, c'est ce qu'il prétend quand il veut séduire les vacancières. Chaque été, c'est la même chose, il ne peut pas s'en empêcher, mais il me revient toujours à la rentrée !
Devant l'air effondré de Sylvie, Nathalie intervint.
- Comment peux-tu dire une chose pareille, Nadine ? Si André est ton fiancé, pourquoi es-tu restée impassible en le regardant filer le parfait amour avec une autre ?
- Justement... Il m'a dit que je devais lui laisser un peu de liberté... Surtout cette année, car cela ne se reproduira plus... On doit se marier en septembre !
- C'est invraisemblable ! répliqua Nathalie. Puis, se tournant vers son amie, elle continua :
- Viens, Sylvie... Ne l'écoutes pas. Allons trouver André, il vaut mieux qu'il te donne lui-même sa version des faits !
- André est sorti de bonne heure ce matin. Il y a un problème avec le tracteur... Bertrand et lui sont allés à la ferme voisine demander de l'aide, dit Nadine.
Sous le choc, Sylvie restait étrangement silencieuse. Une fois de plus, c'est Nathalie qui répliqua.
- Très bien. Nous allons l'attendre... Ou mieux... On va marcher à sa rencontre !
- Non... Attendez ! s'écria Nadine... Il ne faut pas le fâcher contre moi. Je l'aime... Et puis, ce serait trop injuste... J'attends un bébé... Il m'a promis de m'épouser !
Voilà, c'était lâché ! Toute la matinée, elle s'était répété la scène, se demandant si elle oserait la jouer jusqu'au bout. A présent, devant l'expression horrifiée de Sylvie, elle ne regrettait rien. « En amour, il n'y a pas de règle » se dit-elle « La force des sentiments que j'éprouve excuse bien ce mensonge ».
Sylvie était pâle sous son bronzage. D'un geste las, elle indiqua la porte.
- Maintenant, va-t-en... Laisse-moi tranquille, dit-elle simplement.
Nadine quitta la pièce sans se faire prier. Elle ne voulait plus voir le visage consterné de sa rivale. Il n'était pas question de se laisser gagner par les remords avant d'avoir mis en oeuvre la seconde partie de son plan. D'un pas décidé, elle se dirigea vers la chambre de Marc.
Sans un mot, Sylvie sortit son sac de voyage du placard mural. Le visage ruisselant de larmes, elle entassait, pêle-mêle, vêtements et effets de toilette. Nathalie tenta de la raisonner.
- Je t'en prie, Sylvie. Ne crois pas cette fille sur parole ! André a l'air d'un garçon sincère. Ne prends pas de décision avant de lui avoir parlé !
- Non... Je m'en vais. De toute façon, maintenant ou dans deux jours... Quelle différence ? Pour lui, je n'aurais été qu'une passade !
Nathalie eut beau plaider, rien n'y fit, aucun argument ne parvint à convaincre Sylvie. Profondément blessée, elle ne songeait qu'à fuir.
- Bon ! Si c'est ainsi, je ne te laisserai pas partir seule. Je vais prévenir les garçons... Ils se passeront de nous...
Leur séjour étant réglé d'avance, elles quittèrent la ferme sans un au revoir. Le car pour Chateaudun démarrait vers midi. Elles avaient juste le temps d'atteindre le village.
André et Bertrand arrivèrent une heure plus tard. Le fermier voisin leur avait prêté un tracteur. Tout allait donc pour le mieux, André pouvait profiter sans arrière pensée de ses derniers jours de vacances. Il se mit en quête de Sylvie.
La mine faussement consternée, Nadine lui annonça la nouvelle.
- Elles sont parties toutes les deux. Il parait que l'ami de Sylvie était en voyage à l'étranger... Il serait rentré à Paris plus tôt que prévu. Elle a décidé de le rejoindre immédiatement.
- L'ami de Sylvie ? Tu veux dire l'ami de Nathalie...
- Non. Je suis désolée pour toi, André. Mais il s'agit bien de Sylvie. Elle est presque fiancée... Tiens, voilà Marc... C'est lui qui m'a mise au courant. Tu peux lui demander, il te le confirmera !
Assez mal à l'aise, Marc confirma. Quand Nadine lui avait exposé son plan, pressentant que le stratagème pouvait lui ramener Sylvie, il avait étouffé ses scrupules et accepté d'être complice.
André écouta à peine les explications du Parisien. Il eut un instant d'indécision puis, sans un mot, il se précipita vers le bureau de Bertrand.
- Bertrand... Prête-moi les clés du mini-car... lança-t-il en entrant dans la pièce.
- Tu as l'air bien pressé ! Que t'arrive-t-il ?
- Je t'expliquerai plus tard...
Bertrand ne posa pas d'autre question et tendit les clés.
- Les papiers sont dans la boîte à gants, dit-il. Sois prudent.
André traversa la cour au pas de charge. Sans perdre un instant, il mit le contact. Dans un crissement de pneus, le minicar prit le chemin du village.
André entendait résonner dans sa tête les paroles de Marc et Nadine.
- C'est impossible... murmura-t-il. Elle ne peut pas s'en aller comme ça... Pas ma Sylvie !
Au village, le car avait quitté la place de l'église depuis longtemps. André prit la route de Chateaudun. Il roulait à toute allure, les mains crispées sur le volant. Arrivé à la gare, il se gara à la diable et se rua vers les quais.
Dans le lointain, on distinguait à peine un petit point noir qui s'amenuisait de plus en plus. André scruta l'horizon jusqu'à ce que l'express de Paris ait complètement disparu à sa vue.
A la ferme, la vie reprit son cours. André s'abrutissait de travail. Malgré la gentillesse de sa famille, malgré la sollicitude de Nadine, il s'emmurait dans sa douleur. Le soir venu, enfermé dans sa chambre, il écoutait les disques qu'ils avaient aimé entendre ensemble ou relisait un livre qu'elle avait oublié... A maintes reprises, il questionna l'agence organisatrice des séjours ruraux. On ne pouvait pas lui donner l'adresse d'une cliente « Secret professionnel ! » Inutile de s'entêter... Il ne reverrait jamais Sylvie.
Vers la fin du mois de Septembre, l'été caniculaire céda la place à une pluie fine et persistante qui s'insinuait partout.
André contemplait sans les voir les champs à présent dépouillés. Le temps était enfin d'accord avec ses états d'âme. Le regard dans le vague, il remarqua à peine la vieille Austin rouge qui bifurquait sur le chemin de la ferme. L'auto franchit le portail et se gara dans la cour.
Un essuie-glace cassé... Un pare-brise ruisselant, il ne distinguait pas le chauffeur. Une jambe gainée de jean repoussa la portière... Soudain, son coeur fit un bond.
Elle courait sous la pluie, ses longs cheveux bruns lui masquant le visage. Il s'élança vers elle et la reçut contre sa poitrine.
En riant, en pleurant, ils s'embrassèrent passionnément. Ils s'embrassèrent à en perdre le souffle. Puis, toujours enlacés, ignorant les assauts de la pluie, ils marchèrent sur le chemin caillouteux. Entre deux baisers, Sylvie lui expliqua...
Rongé par le remords et ému par le chagrin inconsolable de son amie, Marc avait craqué. Repentant et honteux, il avait tout avoué... Son alliance avec Nadine, leur ruse, leurs mensonges...
- Je n'avais qu'une crainte, c'est que ma pauvre vieille voiture m'abandonne avant la fin du voyage !
Fin