Les fantômes du passé, une nouvelle sentimentale de Jocelyne Duparc, à lire en ligne ou à télécharger







HISTOIRE D'AMOUR À LIRE EN LIGNE OU À TÉLÉCHARGER

LES FANTÔMES DU PASSÉ
Nouvelle sentimentale de Jocelyne duparc

Nous avions quitté l'autoroute à Chartres, sous un soleil de plomb. Seule femme de notre petit groupe, on m'avait octroyé la place d'honneur, j'étais assise auprès du directeur !
Chaque année, les meilleurs vendeurs de la société avaient l'avantage de participer à la convention commerciale réunissant toutes les directions régionales. La manifestation durait trois jours et se déroulait en général dans des hôtels luxueux où se succédaient projections filmées, cocktails et discours d'émulation. Bien que peu encline aux mondanités, j'étais flattée et enchantée de figurer parmi ces heureux élus.

Pourtant, plus nous approchions des Aubetières et moins je parvenais à dissimuler mon trouble. Heureusement, dans leur enthousiasme, mes collègues ne remarquaient pas mon mutisme inaccoutumé.
Avec émotion, je retrouvais peu à peu le décor de mon enfance. Mes pensées s'égaraient loin des courbes de ventes, des plans marketing et des clients cibles qui émaillaient la conversation. Si mes lèvres acquiesçaient et formulaient de temps en temps un de ces bons mots qui avaient fait ma réputation dans l'entreprise, mon coeur et mon esprit étaient ailleurs, bien loin dans le passé.

Nous étions six adolescents à prendre chaque matin l'express de sept heures trente-cinq en gare de La Loupe. Quatre filles et deux garçons, qui fréquentaient le même lycée de Chartres. Je m'en souviens comme si c'était hier ! Laetitia, Nathalie, Mathilde, Victor, Blaise et moi, Fantine. Nous étions toutes amoureuses de Blaise. D'ailleurs, toutes les filles du lycée l'étaient ! En avance d'une année dans mes études, j'étais la plus jeune du groupe mais je ne faisais pas exception à la règle. J'aimais Blaise avec ferveur, avec ardeur depuis ma plus tendre enfance.
Son père avait transformé leur immense propriété en complexe hôtelier. Il y organisait des séminaires, des fêtes, des réceptions. Mais surtout, il y avait les écuries... Monsieur Walfer possédait des chevaux magnifiques. Blaise chevauchait depuis son plus jeune âge. A mes yeux, il apparaissait comme une sorte de Lancelot ou d'Ivanoë, un héros blond et romantique !

Bien sûr, pour le séduire, toutes les filles de la bande s'étaient mises à l'équitation. La belle Laetitia Maubert y excellait et mon coeur se serrait à chaque fois que je la voyais galoper auprès de mon prince charmant.
Pour ma part, si j'aimais les chevaux, je n'étais guère sportive. À force de volonté, j'étais parvenue à tenir en selle mais je n'avais rien d'une amazone. Les dimanches après-midi aux Aubetières étaient souvent de vrais supplices. Pourtant, pour rien au monde, je n'aurais cédé ma place à une autre. Je vivais dans le sillage de mon idole, espérant le moment où il me découvrirait enfin.

Perdue dans mes rêves, je sortis une cigarette de mon étui. Sans quitter la route du regard, Alain Vauguiers me tendit l'allume-cigares. Je remarquai ses mains longues et racées. Je levai les yeux pour le remercier. Le soleil donnait un éclat particulier à son regard vert sombre. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais perçu à quel point il était bel homme. Pour moi, il était simplement le patron, le boss ! Il faut dire que depuis ce vendredi de juin 1979, aucun homme n'avait su retenir mon attention. Bien souvent, j'avais pris plaisir à user de mon charme, mais je m'étais toujours efforcée de garder la tête froide.
Par quel étrange hasard, par quelle facétie du destin la convention annuelle avait-elle était organisée aux Aubetières ? Depuis presque vingt ans, j'avais cru oubliées à jamais la douleur et l'humiliation ressenties ce matin-là, le dernier jour de l'année scolaire.

Tous les matins, je prenais le petit déjeuner avec mon père, puis il m'accompagnait en voiture jusqu'à la gare. Cette fois, nous étions en retard. Nous nous étions disputés.
La société qui l'employait était en passe d'être transférée en région parisienne. Depuis des mois, nous en parlions. Mes parents avaient fait l'acquisition d'un pavillon en proche banlieue et j'étais déjà inscrite dans un lycée parisien. Tant que de longs mois m'avaient séparée de ce déménagement, il m'avait semblé irréel, un peu excitant même. Mais ce jour-là, à la veille des vacances, je ressentais le déchirement de la séparation. Blaise et toute la bande me manquaient déjà.
Nous représentions la jeunesse dorée de la région. Nous étions tous des enfants de notables, commerçants ou cadres supérieurs. Qu'allais-je trouver à Paris ? Dans quel sombre anonymat allais-je me perdre ? J'en voulais à mon père et ne m'étais pas privée de le lui dire. J'avais quatorze ans et demi...

Nous atteignîmes la gare au coup de sifflet du chef de station. Je parvins in extremis à me hisser dans le dernier wagon. Je longeais le couloir à la recherche de mes amis. Ils devaient déjà être tous réunis en tête de train. Le sourire aux lèvres, je m'approchai de notre compartiment de prédilection. Tous pensaient certainement que j'avais manqué le train, je m'apprêtais à ouvrir la porte brusquement, pour leur faire la surprise de ma présence. La voix flûtée de Laetitia retint mon geste.
- Le petit boudin à raté son train, à ce qu'il semblerait !
Nathalie pouffa et surenchérit :
- Alors, Blaise... Quel effet ça fait de ne pas avoir son chien-chien sur les talons ? Il te manque ton gros teckel ?
- Vous n'êtes pas charitables, les filles ! Fantine est bien gentille !
- N'empêche que pour la fête de fin d'année, j'aime autant ne pas l'avoir derrière nous... Traîner constamment ce bébé, ça devient pesant !
Même Victor s'y était mis.
- Tu l'as vue monter Sultan dimanche dernier ? Elle tiendrait mieux sur un cheval de labours !
Je restai figée sur place. Mathilde fit une plaisanterie que le bruit du train étouffa et tous se mirent à rire bruyamment. Tous mes amis... Mais c'est l'éclat de rire de Blaise qui me fit le plus mal... Un rire clair et joyeux d'adolescent sans problèmes...

Je rebroussai chemin jusqu'en queue de train et là, j'attendis le premier arrêt.
J'étais descendue à Courville où j'avais erré une partie de la matinée avant de reprendre l'omnibus pour La Loupe.

Ma mère s'était inquiétée de ce retour prématuré et de mes yeux rougis. Je ne pouvais pas tout lui avouer mais j'avais quand même osé une question.
- Comment ce fait-il que je sois grosse comme ça ? Papa et toi, vous êtes minces tous les deux...
- Mais... Ma chérie, tu n'es pas grosse !
- Aujourd'hui, une fille m'a traitée de boudin...
- Cette fille ne doit pas être très intelligente...
Je me gardai bien de lui dire qu'il s'agissait de Laetitia ! Comme si elle lisait dans mes pensées, ma mère poursuivit :
- En plus, tu es bien plus jeune que tes amies. Tu ne t'en rends pas compte, mais à votre âge, un an ou deux font toute la différence !
Fondant brusquement en larmes, j'interrompis sa phrase.
- Mais, c'est vrai que je suis grosse... Personne ne croirait que je suis ta fille !
Ma mère m'avait attirée contre elle.
- Détrompe-toi, Ma chérie. A ton âge, j'étais exactement comme toi. Certaines filles ont très tôt un corps de femme, d'autres ont un cap à passer. Tu n'as que quatorze ans mais tu es déjà très jolie et crois-moi, bientôt tu seras une vraie beauté...
Ma mère ne m'avait pas vraiment convaincue mais sa tendresse me rassurait.

Ensuite, nous avions préparé ensemble les valises pour le départ en vacances. Nous devions passer les mois de juillet et d'août chez ma grand-mère en Bretagne. Les autres années, j'étais toujours triste de quitter mes amis. Cette fois, j'étais heureuse de les fuir, ce voyage était une délivrance.

A Benodet, je fis la connaissance d'autres jeunes. Nous formions une petite bande où se côtoyaient les Parisiens en vacances et les gamins du pays. Je m'étonnais de me sentir plus à l'aise avec eux qu'avec mes copains d'enfance. Je revoie encore l'école de voile, les parties de volley-ball sur la plage et Stéphane Briec dont les yeux bleus ne me quittaient jamais !
A la rentrée, je fêtai mes quinze ans. Conformément aux prédiction de ma mère, j'avais grandi de trois centimètres et perdu cinq kilos ! Je ne revis jamais Laetitia, Nathalie, Mathilde, Victor... Ni Blaise.

Depuis des années, je pensais cet épisode oublié... Des histoires de gosses ! Pourtant, plus nous approchions des Aubetières et plus je me rendais compte de l'incidence que quelques malheureuses réflexions avaient eu sur mon comportement et sur ma vie. A trente-deux ans, j'avais beaucoup de relations mais pas d'amis. J'aimais plaire mais je n'accordais ma confiance à personne, considérant tous mes succès comme une sorte de revanche. Professionnellement, cela m'avait réussi mais était-ce suffisant ?

Un panneau bleu et blanc, calligraphié en lettres gothiques, annonçait les Aubetières.
- Monsieur Vauguiers, c'est à droite... lui signala Paul Dumont.
Alain Vauguiers aborda l'embranchement en souplesse.
- Cet après-midi, quartier libre ! La première réunion n'a lieu que demain matin. Je suis vraiment tenté par la piscine ! Dit-il.
Après une brève hésitation, il reprit.
- Depuis le temps que nous travaillons ensemble, ne pensez-vous pas que nous pourrions nous appeler par nos prénoms ? Pour ce qui me concerne, je ne veux plus entendre un seul « Monsieur Vauguiers » !
Tout le monde acquiesça dans la bonne humeur. La réunion professionnelle prenait des airs de vacances.

Mes jambes tremblaient en gravissant le grand escalier de pierre. Du côté des écuries, un cheval poussa un hennissement et mon coeur battit la chamade. Vingt ans n'avaient rien effacé. Je savais que je reconnaîtrai Blaise au premier regard. Mais lui, reconnaîtrait-il la petite boulotte de quatorze ans qui lui vouait une admiration sans borne ? Je ne souhaitais pas vraiment qu'il me reconnût. Nul n'est prophète en son pays, me dis-je. Je ne tenais pas à ce que les réflexions de Laetitia lui reviennent en mémoire pour ternir mon image actuelle.

Dès que ma chambre me fut attribuée, je me dépêchai de prendre une douche et me changeai. J'enfilai un jean, des tennis et un polo neuf acheté pour la circonstance. Pas de maquillage, à peine une touche de rouge à lèvres. Plusieurs week-ends à Deauville rendaient mon teint parfaitement hâlé.
Je rejoignis mes collègues sur la terrasse, ils avaient tous opté pour la piscine. Je leur parlai de ma passion pour les chevaux et de mon désir d'aller faire un tour du côté des écuries. Le visage d'Alain Vauguiers marqua une légère déception mais je ne m'y arrêtai pas. J'avais vingt ans à rattraper !

En longeant les boxes, je cherchai Sultan, le bel étalon noir. Le nom de chaque cheval était inscrit sur les portillons de bois. Sultan n'y figurait pas. Tant d'années s'étaient écoulées, Sultan n'existait plus. J'en ressentis un douloureux pincement au coeur. Rattrape-t-on jamais le temps passé ?

Et soudain, il fut devant moi. Les cheveux blonds un peu trop longs, les bottes, la cravache, la chemise blanche ouverte sur un torse musclé et bronzé... Je retins le cri qui montait à mes lèvres... Blaise !
Il s'approcha en souriant. Ce sourire éclatant avait, durant tant de nuits, hanté mes rêves !
- Bonjour, je pense que vous faites partie du séminaire Armand-Glaziers.
- Oui. Nous arrivons de Paris. Mes collègues profitent de la piscine. Je ne les ai pas accompagnés, j'ai un faible pour les chevaux...
- Cela nous fait déjà un point commun. Je suis Blaise Walfer. Mon père dirige cet établissement. Mais, ces écuries sont mon royaume car, comme vous, je préfère les chevaux !

Mon prénom était si peu répandu que j'hésitai à me présenter. Une grande habitude des contacts commerciaux me permit toutefois de lui tendre une main ferme malgré l'émotion qui me submergeait.
- Je m'appelle Fantine, je suis agent commercial chez Glaziers...
- Fantine ! Quel joli prénom !
Il compléta :
- Quand j'étais enfant, j'ai connu une Fantine... Mais je dois avouer qu'elle n'avait rien de commun avec vous !
Le ton employé était significatif, il s'agissait d'un compliment. Je me sentis rougir.
- Venez, je vais vous montrer mon cheval, reprit-il. Je m'apprêtais à le seller.
Il me conduisit vers un somptueux étalon blanc qui hennit de joie en sentant l'heure de la promenade proche !
- Il est merveilleux ! Quelle chance vous avez de posséder un pareil compagnon !
- C'est une chance que je sais apprécier, répondit-il. J'aime vivre ici, dans la nature, parmi les chevaux... Mais, vous-même, vous montez, je présume... Voulez-vous m'accompagner pour une promenade à travers champs ?
- Je suis une piètre cavalière, lui avouai-je.
- N'ayez crainte, nous avons une jument très calme...

Nous rejoignîmes l'hôtel deux heures plus tard, j'étais fourbue mais aux anges !
- Demain, à la même heure ? avait-il proposé.
Par chance, mon emploi du temps me le permettait. J'avais accepté avec joie. En regagnant ma chambre, je marchais sur un nuage !
Je m'octroyai ensuite quelques instants de détente devant mon téléviseur mais mon esprit vagabondait et ne parvenait pas à se fixer sur le programme ! Blaise s'était montré charmant et empressé, j'étais certaine de ne pas lui être indifférente.
- Et moi, m'étais-je demandée. Quels sont mes sentiments à son égard ? Flattée ? Émue ?
Pour couper court à ces considérations troublantes, je m'étais précipitée vers la salle de bain. Ces circonstances particulières méritaient un brushing parfait ! Je m'apprêtai donc soigneusement, bien décidée à être, ce soir-là, « la plus belle pour aller danser » !

J'avais revêtu une robe beige clair, de coupe saharienne, très simple et des ballerines légères. Mes collègues m'attendaient dans la vaste salle de restaurant. Au bureau, ils étaient habitués à me voir en tailleur strict, les cheveux sagement maintenus en arrière. A leur regard, je compris que ma tenue était une réussite !
On m'avait réservé une place entre Alain Vauguiers et Stéphane Ferrard. Paul Dumont était assis en face de nous.
Le dîner fut gai et amical. Je m'étonnai de trouver en Alain Vauguiers un compagnon brillant et vraiment charmant. Loin des contraintes que lui imposait son poste de directeur, il savait se montrer décontracté et plein d'humour.

Après le repas, nous gagnâmes le grand salon où un orchestre avait été installé. D'autres collaborateurs de différentes agences provinciales nous avaient rejoints. Champagne et danse, l'ambiance était au beau fixe !

J'étais sur la piste, virevoltant auprès d'Alain Vauguiers quand l'orchestre entama un slow. Je m'apprêtais à regagner notre table mais Alain me retint, j'en fus étrangement émue. Bien entendu, dans cette assemblée professionnelle, notre danse ne pouvait se permettre d'être langoureuse ! Toutefois, je me surpris à penser qu'en d'autres circonstances...
Nous savions tous que la journée suivante serait très chargée aussi, nous quittâmes la salle vers une heure du matin. Devant ma porte, il me sembla qu'Alain gardait ma main dans la sienne, un peu plus longtemps que nécessaire !

Le lendemain, après l'allocution du président et un débat animé sur les objectifs de croissance de la société, on nous servit un repas léger. En début d'après midi, les nouveaux spots pour la campagne publicitaire de la rentrée nous furent présentés. Je m'inquiétais de voir la projection se prolonger, j'avais rendez-vous vers quinze heures avec Blaise !

Dès les premières notes du générique de fin, je m'enfuis discrètement. Dans ma chambre, je me changeai hâtivement et arrivai aux écuries à l'heure pile. Blaise était déjà là, il avait sellé les chevaux. A mon approche, son visage s'illumina.
- J'étais inquiet, j'avais peur que vous ne soyez retenue !
- Des films publicitaires... Je n'en voyais pas la fin !
Après un départ au trot, nous avions galopé à travers champs. A tout moment, je me demandais si mon style s'était amélioré. Blaise ne risquait-il pas de me juger trop lourdaude, comme du temps de notre adolescence ? Mon allure devait lui convenir car en arrivant au petit bois qui marquait la limite de la propriété, il arrêta sa monture. Heureusement, la mienne était très docile et je parvins sans mal à l'immobiliser.

Blaise me tendit les bras pour m'aider à descendre.
- Fantine, je n'ai cessé de penser à vous depuis notre rencontre. C'est étrange, nous nous connaissons à peine, mais c'est comme si je vous avais toujours attendue...
Je pensais le moment de tout lui dire enfin arrivé. Ses lèvres se posèrent sur les miennes, retardant mon aveu. Nous avons marché dans l'ombre du sous-bois, tendrement enlacés. A chaque pas, nous échangions un baiser.

Plus tard, en retrouvant mes collègues à l'hôtel, j'étais un peu penaude de m'être éclipsée d'une façon presque incorrecte et m'inquiétais des réactions d'Alain Vauguiers. Son attitude cordiale me rassura.
- Ne vous voyant pas après la projection, nous nous sommes doutés que vous étiez allée retrouver vos chers chevaux !
- Les étalons sont magnifiques... Mais j'ai eu la chance de me voir confier une jument très calme, lui répondis-je.
- Si vous voulez bien de moi, j'aurais plaisir à vous accompagner demain après-midi.
Sa proposition me surprit. Je pensai soudain qu'il eût été préférable qu'il la formulât le jour même de notre arrivée. Cela m'aurait évité ces tête-à-tête avec Blaise qui peut-être m'entraînaient vers de nouvelles désillusions.
Je m'apprêtais à lui faire une réponse mitigée quand une femme traversa la terrasse d'un pas décidé. Je m'interrompis pour la regarder, son visage ne m'était pas inconnu. Elle héla un serveur.
- Mathias ! Avez-vous vu mon mari ? Je le cherche depuis plus d'une heure.
- Je l'ai vu se diriger vers le garage, Madame Walfer.
- Non, je reviens à l'instant du garage, Monsieur Blaise n'y est pas ! reprit un autre garçon.

Madame Walfer ! La femme de Blaise ! Je n'avais pas imaginé un seul instant qu'il put être marié.
Je m'excusai auprès de mes collègues et me dirigeai vers la femme que je venais de reconnaître. Malgré sa silhouette épaisse et ses cheveux ternes... C'était bien elle... La belle Laetitia Maubert !

Je l'abordai, un sourire amical aux lèvres.
- Laetitia ! Quel plaisir de te revoir, après toutes ces années !
Elle me regarda, l'air étonné. Je remarquai les rides qui marquaient les commissures de ses lèvres.
- Tu ne me reconnais pas ? Fantine... Fantine Boisseau...
Nous nous embrassâmes chaleureusement. Laetitia fit appeler Blaise. Quand il arriva, je ne pus m'empêcher de savourer l'expression de sa mine stupéfaite.
Le lendemain après-midi, c'est auprès d'Alain Vauguiers que je chevauchai.

Aujourd'hui, je n'en veux plus à Laetitia, à Blaise, à Mathilde ou aux autres. Pourtant, je pense souvent aux Aubetières. Le destin m'avait conduite sur les lieux de mon enfance pour y effacer les vieux fantômes du passé... Et me permettre de reconnaître l'homme de ma vie. Demain, après la mairie et l'église, je m'appellerai Madame Vauguiers !

Fin